Société jetable (18/02/2014)

stylo jetable, bic, porte plume, barbeIl y a des objets qui résument toutes les problématiques d’une époque, et si le smartphone et autres tablettes pourraient prétendre à ce titre, le stylo jetable est peut être encore plus surement le grand gagnant. C’est un objet de tous les jours, presque insignifiant tant il fait partie de notre quotidien. Son aïeul, le porte-plume, n’était pas aussi pratique, convenons-en : il fallait se déplacer avec la plume, le prolongement qui le porte, l’encrier et le papier buvard. L’encrier nécessitait d’être rechargé, son encre tachait, la bille qui évite les gros pâtés n’était pas encore inventé. Sa durée de vie, comparée à celle du stylo jetable représente presque l’éternité. Le porte-plume a encore ses amateurs, calligraphes amateurs et professionnels, mais c’est pratiquement une caste ésotérique. 

Mais Homo Sapiens a fait un autre choix, celui du confort, de la facilité et du baron Bic. Le stylo de nos jours est à l’image du reste de la civilisation, il est jetable. Plastique coulée, moulée, vendue, utilisée et mordillée, puis jetée, à la poubelle. Mais la contre-attaque point déjà : de toutes les façons, aujourd’hui on écrit sur un ordinateur, et même qu’on économise et le stylo, et l’encre, et le papier. Et je l’accorde, comme ça, instinctivement, à première vue, ce n’est pas faux. Et si ce sont les faits que l’on prend, vous n’avez pas complètement tort. Donc vous n’avez pas tout vrai. Sous couvert de la jouer vertueux écologiste, vous n’avez pas vu qu’un ordinateur, un téléphone, question bilan carbone, ça vaut une montagne de stylos. Et je vous vois déjà imprimer quinze versions de ce que vous avez écrit pour les jeter toutes à la poubelle sans les lire.

Cette chronique, précisons le avant de la poursuivre, n’a pas pour but de faire culpabiliser. Enfin si, juste un peu. Ce qu’elle cherche, c’est faire réfléchir. Sur nos contradictions de petits terriens matérialistes. Pour faire culpabiliser, la chronique dirait que vous changez de smartphone comme de chemise, que jamais vous n’avez consommé autant d’énergie que de nos jours, parce qu’il ne suffit pas d’acheter un appareil basse consommation, encore faut-il ne pas les multiplier… mais rassurez-vous, là n’est pas le propos, revenons à ce petit stylo, si innocent avec son grand sourire, son bouchon et son capuchon bleus, sa capacité à se transformer en sarbacane pour viser dos de prof ou de supérieur hiérarchique lorsqu’il a le dos tourné. Ce stylo, il est le symbole d’un choix de société, comme le rasoir jetable, bien que pour celui-ci, ayant permis de voir Eric Cantonna affublé d’une charlotte rose, n’est pas totalement à jeter. Ce choix c’est celui d’un effort, du choix d’un temps long, de la réutilisation. A part le papier toilette et les couches jetables, dans l’absolu, tout peut être réutilisé. Et encore, en faisant un petit effort et en prenant sur soi, même ces deux-là pourraient faire l’objet d’usages répétés !

Oui, mais la croissance, le modèle économique, mon salaire à la fin du mois, crie la meute en se rapprochant. Ben oui, faut revoir tout ça, c’est sûr. Civilisation de la consommation jetable, les fabricants de lames de rasoirs en prennent plein la gueule quand les hommes se remettent à la mode de la barbe. Si ça prouve pas A+B qu’il faut passer à un autre modèle. Non pas le rasoir à cinq lames, même si elle est bonne. Faut consommer durable, mettre la finance sous cloche, produire moins mais répartir mieux. Sinon, à la fin, nous serons comme notre stylo, jetés à la poubelle de la création. Sans possibilité de racheter un nouvel exemplaire.

 

Barbu(e)s et poilu(e)s de tous pays, unissez-vous !

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