The Zero Theorem, retour aux sources (06/07/2014)

zero theorem.jpgQuand un réalisateur a déjà commis un chef d’œuvre et qu’il est obsédé par le prochain qu’il poursuit inlassablement comme Don Quichotte combat ses moulins, ce qui est produit entre les deux ne peut que décevoir le fan. Le très bon film est rarement un accident.

 Terry Gilliam n’échappe pas à cette implacable règle et son Zero Theorem ne restera pas comme le meilleur moment de sa filmographie. Trop décousu, parfois brouillon, il ne faut pas pour autant jeter l’opprobre sur ce que Terry Gilliam cherche, à nouveau, à nous raconter dans cet opus. Car c’est une nouvelle variation sur le même thème : c’est quoi le sens de l’existence et que sommes-nous, individu, au milieu de cette immensité bordélique. Y a-t-il un sens à toute cette laideur, à toute cette destruction dont nous sommes capables. Les mondes que décrit Gilliam, film après film, sont terriblement humains, en dépit ou plutôt grâce à des personnages marqués, des décors où la technologie est omniprésente et repoussante, des ambiances lourdes, pesantes, la dénonciation d’une société de la consommation qui dépérit et qui est sous constante surveillance.

Dans Zero Theorem, Christoph Waltz incarne un informaticien qui vit enfermé dans sa bulle, loin du monde extérieur. Il attend un appel dont on apprend qu’il pourrait lui révéler le sens de la vie. Ce sens de l’existence justement, on lui propose de démontrer qu’il n’existe pas en résolvant le Zero Theorem. D’autres s’y sont essayés et se sont cassés les dents dessus ou ont sombré dans la folie. Belle allégorie que de penser que l’on peut résoudre ce questionnement qui fonde l’humanité par une série d’équations. Pourquoi sommes-nous là, qu’y a-t-il après la mort…on tourne en rond depuis des millénaires. Au plus sait-on ce qu’il n’y a pas…

Mais comme dans tous les films de Gilliam, il y a une deuxième intrigue, ou une trame de fond récurrente : l’individu ne peut exercer sa mission qu’en étant surveillé. Et toujours il cherche à échapper à l’emprise de la société qui ne cesse de l’épier ou de vouloir lui imposer quelque chose. Au travers du rêve et des rencontres. Que le système lui sert sur un plateau.

Il y en a deux dans Zero Theorem : une call-girl et le fils de son patron/big brother. Comme la femme et Tuttle dans Brazil. Comme la psychiatre et le fils d’un scientifique travaillant sur le virus de l’armée des douze singes.

Avec la call-girl, il va s’échapper dans un monde virtuel, avec un renversement total par rapport à Brazil, le personnage féminin se révèle en qualité dans la réalité bien supérieure à ce qu’il est dans le virtuel et le rêve.  Mais l’informaticien sera incapable de la suivre dans le monde réel quand elle va lui proposer de fuir avec lui. Les illusions ne sont pas toujours la réalité et la liberté demande une dose de courage certaine.

L’adolescent, que son père a envoyé pour aider l’informaticien, va permettre à ce dernier de s’éveiller. La jeunesse comme incarnation de l’espoir, celui du renouvellement et de la spontanéité, incarnation du changement possible et de la lutte contre la société des pères.

De l’armée des douze singes, en passant par Brazil, Gilliam nous présente le même tableau, qu’il redessine à chaque fois…

Après tout, on ne peut lui reprocher ce qui est au cœur du processus artistique : un peintre, un écrivain, un sculpteur, un musicien ne font pas autre chose que revenir sans cesse à une vision qui les taraude…

Enfin, il y a Management. Le big boss, interprété par Matt Damon, donne la clé du film autour d’une phrase, lourde de sens, pour le héros du film mais plus surement pour le spectateur : à attendre sans fin la réponse sur le sens de la vie, cet hypothétique appel téléphonique qui l’a conduit à s’emmurer vivant dans sa chapelle, l’informaticien a oublié d’en donner à la sienne.

Management, lui, n’en a rien à faire de la réponse au sens de l’existence. Ce qui lui importe c’est la somme qu’elle lui rapportera. Le cynisme a l’état pur, l’incarnation de la morale de nos sociétés contemporaines.

Christoph Waltz finit par plonger dans le grand trou noir qui incarne le Zero Theorem. Il se retrouve sur la plage où il retrouvait la femme de ses rêves. Il est seul. Gilliam laisse le spectateur se débrouiller sur le sens de ces dernières images : n’y a-t-il que dans le rêve que l’échappatoire existe ? Est-ce la réalité que vit son héros ?

 

Il n’y pas de réponse. Et c’est ce qui nous angoisse, nous, êtres humains. Et Terry Gilliam nous le rappelle avec la profondeur et la force de son œuvre. Mais il y a une note un peu différente cette fois-ci. S’il n’y a pas de sens à l’existence, au moins peut-on essayer d’en donner à chacune de nos vies. Le Monty Pythons qui a retrouvé il y a peu ses acolytes sur scène a encore quelque chose à nous dire. Avec un casting irréprochable. Et c’est tant mieux, en attendant, encore une fois, qu’il nous livre son Don Quichotte, son sens de la vie, le chef d’œuvre après lequel il court, encore et encore…

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