Perroquet toi même! (29/03/2015)

départementales 2015, psittacisme, discours politique, extreme droite, complexité, café du commerceUne soirée électorale a ceci d’intéressant qu’elle ressemble à une expérience en espace réduit du champ politique contemporain.  Sur les plateaux télé, tout y passe et pour les plus avertis, en même temps que les plus joueurs, c’est la possibilité de réaliser une partie de bingo politique, en cherchant les poncifs qui vont être formulés et combien de fois ils sortiront. Si une grille vient à être remplie, dites-vous que vous serez les seuls gagnants de la soirée.

La politique moderne, mais est-elle si différente des temps anciens, est atteinte d’un mal que ne fait que renforcer, à contrario de ce que l’on pourrait attendre d’individus prétendument responsables, le désaveu des élites de gouvernement. Le psittacisme ronge, aussi surement qu’un toc, la logorrhée du grand bingo politique. Tels des perroquets qui répètent sans comprendre le sens des mots appris par mimétisme, les analyses se succèdent sans pour autant transformer le fond de l’action ou de la pensée. Les éléments de langage sont aux politiciens ce que la vision est à l’Homme d’Etat : un fil conducteur. On peut construire des succès électoraux (ou justifier des défaites) avec des éléments de langage, mais c’est avec une vision, une explication du monde et des principes que l’on construit une société. Sans contenus, les éléments de langage deviennent la caricature d’une pauvreté intellectuelle, d’une méconnaissance de la complexité du monde. Plus tragiquement, d’une incapacité à comprendre le monde. Ou plus dangereusement, une capitulation pour le changer.

Il ne reste alors que le psittacisme, être un perroquet qui répète encore et encore des mots, comme marqueur, autant pour persuader l’autre que soi-même.

Comme si ce n’était pas suffisant, la société moderne cherche à simplifier, réduire, caricaturer à l’extrême. Mais à la différence des idéologies des années passées, ce discours ne s’appuie pas sur une analyse profonde, argumentée. Le café du commerce a triomphé à tel point que le café du commerce original en exprime de l’inquiétude : si les dirigeants commencent à nous ressembler, nous sommes foutus. Autant voter pour nous-mêmes ! Marine Le Pen ne fait pas autre chose que surfer sur la vague.

Le populisme est là, quand le politique court après l’air du temps plus qu’il ne tente de le produire. Il pérore, il assène, il fait croire qu’il est superman et n’appelle à la complexité du monde que pour tenter d’éluder sa responsabilité. Mais il n’est pas le seul responsable. L’électeur apprécie ce psittacisme. Il a des réflexes pavloviens, l’électeur. Lui-même ne connaît plus la signification des mots mais au moins la sonorité l’empêche de penser et d’avoir à réfléchir sur le contenu de ce qui lui est proposé. Il est capable de rester devant des heures à regarder les images d’un crash mais trouve fatiguant de prendre quelques minutes pour aller voter en bas de chez lui. Comme il a mauvaise conscience, lui aussi, il se répète, l’électeur, notamment l’abstentionniste. Lui aussi simplifie : tous pourris, ça ne changera rien et puis tout ça c’est la faute des 35 heures à l’hôpital et la faute des autres, surtout s’ils sont basanés. Comme s’il n’avait pas eu ses petites lâchetés lui aussi l’électeur. Plus de tout sans rien payer, plus de droits sans faire son devoir, plus d’abandon sans en accepter les conséquences…

Quand on fait de l’espace de la cité un show de télé-réalité géant, aux dialogues si pauvres, il ne faut pas s’étonner de la faillite collective. Comme pour le reste, la société de consommation a perverti le système politique. Ne reste que des perroquets regardant d’autres perroquets. Avant que nous ne soyons tous mis en cage dans une animalerie de l’Histoire, regardons-nous en face : nous méritons bien mieux que le spectacle auquel nous assistons. Mais cela a un coût : il faut quitter le confort de l’absence de réflexion, il faut se confronter à la réalité pour la maitriser. Et passer du café du commerce à l’Agora. On ne naît pas perroquet mais on le devient. Question de volonté et de choix.

15:58 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : départementales 2015, psittacisme, discours politique, extreme droite, complexité, café du commerce | |  Facebook | | | |  Imprimer