Impression totalement subjective d’un séjour de deux jours et demi à Prague (première partie) (23/02/2013)
Visiter une ville, ce n’est jamais la connaître réellement, la sentir au temps présent. Il y a la ville que l’on parcourt et celle qui vit au quotidien. A Prague, ce fossé se ressent plus fortement qu’ailleurs, et notamment dans le vieux centre, le Praha 1 administratif, partagé entre les deux rives de la Vltava, qui concentre 95 % des sites touristiques de la capitale Tchèque.
Indéniablement, vous en prenez plein les yeux, le beau et l’histoire sont à tous les coins de rues. Mais il y a quelque chose qui cloche. La vieille ville a des airs de ville musée, vision renforcée par les boutiques de souvenirs qui envahissent littéralement les pas de porte et par l’aspect tour de Babel des rues praguoises, on y parle toutes les langues, mais on y entend rarement du tchèque. C’est Rome pour la beauté bariolée et Montmartre pour l’usine à touristes.
En se rendant à Prague, on imagine entrer dans la culture Slave, on se rend compte qu’on est au cœur de la Mittel Europa, cette aire d’influence germanique, cœur des deux conflits mondiaux qui ont dévasté le vieux continent. Si la langue est slave et les tchèques souvent blonds aux yeux bleus à la manière russe ou polonaise, la culture est hybride, avec un fond germanique mâtiné de protestantisme et de catholicisme romain indéniable. L’appartenance à l’Autriche-Hongrie a laissé des traces, Prague, la ville impériale en a conservé de beaux restes et ce qui fait la fierté de cette ville tient pour une grande partie a un passé totalement révolu.
Le château qui domine Prague en est autant un exemple qu’un point de vue irremplaçable pour dominer du regard la vieille ville et ses multiples flèches et clochers. Ce château est une petite ville dans la ville, entourée de son enceinte et contenant tous les attributs d’un pouvoir des siècles passés : le château en lui-même et ses annexes administratives (la Diète de Bohême et son administration judiciaire) magnifiquement restaurés, la Cathédrale Saint Guy, joyau aux multiples secrets et représentations, tout comme l’église Saint-Georges, à la façade ocre semblable à une église des conquistadors du nouveau monde mais qui enferme une magnifique architecture romane. Jusqu’à la ruelle d’or, dont les petites maisons colorées ont été reconvertie en petit appartement au XIX° et dans laquelle Franz Kafka a séjourné, et qui lui inspirera le « château ». La prison elle-même, fermée sous le règne de l’empereur Joseph II, qui a laissé quelques souvenirs à la ville, est un témoignage d’une époque que nulle ne souhaite voir apparaître à nouveau : la salle des tortures est plus vraie que nature.
En quittant le Château, les palais et les hôtels particuliers du quartier de Mala Strana, construits par les aristocrates de l’empire au XVII et XVIII°, qui se succèdent pour descendre sur le pont Charles sont tous colorés, uniques, tous différents mais sans rompre l’harmonie. On pourrait être à Vienne, à Venise, en Allemagne, le baroque n’a pas de frontière. La Mittel Europa est encore là, omniprésente, quelques plaques de noms de rues délavés en allemand en renforçant le caractère.
Le passage de la tour d’entrée du pont rappelle que la fonction d’un pont, au-delà de permettre de passer par-dessus un obstacle, est aussi d’exercer un contrôle sur ce qui y passe. Le Pont Charles en comporte une à chaque extrémité. Ce pont en impose et notamment par son âge. Il date du 14ème siècle, fait plus de 500 mètres et est orné de statues de saints en pierre depuis le 17ème siècle. C’est une promenade hors du temps, presque féérique, pour peu que vous l’empruntiez dans le sens Staré Mesto/Mala Strana-Château, par un jour de brume, sous la neige, avec à l’horizon les flèches superposées des tours et clochers qui tapissent la colline qui va des rives de la Vltava au Château. Les amoureux ne s’y trompent pas, qui viennent en masse s’y embrasser et même poser un cadenas, signe d’un amour indestructible, sur une grille prévue à cet effet que quelque employé municipal vient changer quand il ne reste plus une place pour cadenasser la promesse d’une relation éternelle.
Au bout du pont, le Staré Mesto (la vieille ville) et le Nove Mesto, la nouvelle ville, sept siècles au compteur pour cette dernière, avec Charles IV à l’œuvre, toujours lui, qui a étendu Prague en lui donnant le titre de ville impériale du Saint Empire Romain Germanique, l’a doté d’une université, du titre d’archevêché et qui entre temps, eu le temps d’épouser quatre femmes, ce qui lui permet aujourd’hui d’avoir une place, un pont et une université à son nom, mais également de figurer sur les billets de 100 couronnes !
Avec la Mala Strana, Staré Mesto et Novo Mesto sont les quartiers historiques de Prague. Ce qui frappe au premier coup d’œil une fois passée le pont Karlova en empruntant la rue…Karlova, c’est la rencontre de l’histoire et du business de cette dernière au travers du tourisme de masse. D’un côté le Clémentinium, monastère jésuite de très belle facture, de l’autre, boutiques de souvenirs et de change, entrecoupés de restaurants à touristes et autres attrapes couronnes… Le nombre de bureau de change est tout simplement incroyable, à se demander s’ils ne font pas aussi office de lave-linge pour argent sale… Toujours est-il que si la République Tchèque venait à passer à l’Euro, un pan entier de l’économie praguoise tomberait d’elle-même…
Mais revenons à nos moutons du quartier historique. Le vieux centre est un dédale de rues, de passages sous immeubles, aux places qui apparaissent de nulle part… C’est un joyeux bordel coloré, qu’un parisien amateur des œuvres du baron Haussman ne pourrait supporter. Du renaissance y jouxte de l’art nouveau, une Eglise est entourée d’immeubles, ne laissant apercevoir que ses flèches….La place Staromestské (la vieille place) est un bijou pour l’amateur de patchwork. Les ruines du vieille hôtel de ville et sa fameuse horloge astronomique côtoient et font face à du baroque, du rococo, du moyenâgeux, à des églises majestueuses littéralement enclavées au milieu d’un amas de bâtisses qui se sont posées au fil des siècles.
C’est d’ailleurs ce qui frappe souvent l’œil, mais aussi l’esprit dans cette ville : les bâtiments, les monuments se succèdent, se touchent, s’imbriquent, se soutiennent, se marient, à travers les époques et les modes. De l’art nouveau peut être collé une vieille tour gothique, qui elle-même fait face à un monument baroque… La ville se construit perpétuellement, pour le bonheur des yeux et de l’amateur d’histoire…
à suivre...
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