La madeleine de la rentrée scolaire (04/09/2013)

ecole, rentrée scolaire, nabila, dumas, madeleine, proust, lectureLa rentrée scolaire, c’est pour le parent, bien plus que pour l’enfant, un événement. C'est l’émotion, la nostalgie du retour fugace à une époque plus ou moins lointaine, plus ou moins bénie, une madeleine qui fait remonter des souvenirs enfouis profondément tout le reste de l’année. Tout ce tapage autour de la rentrée prouve bien qu’il y a là un sujet exclusivement dévolu aux adultes, les enfants ne s’en font pas toute une montagne, la plupart sont simplement ravis de retrouver tant les copains que les bancs de l’école. La cour de récréation, la marelle, les billes, l’apprentissage de la lecture, les parallèles qui ne se rencontrent jamais et qui vous font douter de la santé mentale de l’humanité en général et de votre instituteur en particulier, les dictées tant redoutées, les tables de multiplication, qui les premières nous font froncer les sourcils et constituent l’origine de nos pattes d’oies, les longues listes des grandes dates de l’histoire, des noms des fleuves et principales rivières hexagonales qui continuent de faire tirer la langue à n’importe quel enfant qui les récite impitoyablement...

L’écrit nous entoure, la lecture est un acte quotidien, banalisé, si bien intériorisé qu’il en paraît naturel, du panneau directionnel sur la route à la consultation des prospectus qui inondent nos boites aux lettres, du dernier roman au mode d’emploi de montage d’un meuble en kit. Pour ceux qui n’auraient pas appris, mal appris ou oublié, la sanction est terrible, nos sociétés sont celles de l’écrit et la dématérialisation ne fera que renforcer ce fossé entre ceux qui savent faire et les autres… Cruelle conséquence du progrès…

 

L’apprentissage a été rude, long, parfois tortueux. Déchiffrer son manuel en CP à la vitesse d’un escargot, butant sur une syllabe inconnue, ne saisissant pas le sens du mot déchiffré, c’était le mal de tête assuré, en dépit de la magie que constituait cette nouvelle activité. Oui il y a de la magie dans la lecture et l’écriture. Pouvoir retranscrire la pensée, la fixer et la lire, c’est ouvrir le champ des possibles.

Et ce champ des possibles, il permet d’aller toujours plus loin dans le niveau de lecture, pour vous amener aux confins de la réalité, à la frontière de la rhétorique et de la langue de bois pour les plus malins ou les plus vicieux. De l’apprentissage initial de la lecture à la maîtrise de la novlangue moderniste dite éloge de la performance qui la place à toutes les sauces, il y a une filiation, même si l’art du boniment et de l’enfumage peut se satisfaire d’une tradition orale.

Mais la force en sera décuplée par le système scolaire au sommet duquel trônent l’école de commerce et les autres grandes institutions du placement de produit.

Ainsi, pourra t’on sans rire, mais bien cyniquement, renforcer la performance sociétale par un ajustement structurel des facteurs de production dans un environnement concurrentiel certain et une nécessaire stabilisation des profits pour conserver une attractivité tendancielle auprès des entrepreneurs, ce qui vous en conviendrez est plus gracieux que je vous vire parce que je veux encore plus de fric quitte à faire crever toute la terre… Je vous le disais, la magie de la lecture…

 

ecole,rentrée scolaire,nabila,dumas,madeleine,proust,lectureSans la lecture, pas d’émission de télé-réalité possible : comment voter si l’on ne sait pas lire le nom de la personne à éliminer. Sans la lecture et une bonne maîtrise du français, aucune carrière possible pour Nabila, qui a profité d’un décalage culturel la faisant passer pour une sorte de gourgandine inculte incapable de maitriser un concept plus évolué que celui du shampoing sur la tête d’une fille, permettant ainsi à un public fruste mais ayant au moins le niveau BEPC de se gargariser de la misère intellectuelle de la jeune femme, ce qui montre bien que l’arroseur arrosé n’est pas celui que l’on croit.

 

Sans la lecture, impossible de profiter pleinement de son plat cuisiné en déchiffrant la liste des additifs de synthèse qui viendront renverser la courbe de l’espérance de vie d’ici peu et régler par la même le problème du financement des retraites.

 

Plus sérieusement et personnellement, sans la lecture, impossible d’accéder à tous ces chefs d’œuvre, à ces paragraphes d’anthologies de la littérature, grande et petite, à Alexandre Dumas, à Jules Verne, à tous ces auteurs qui m’ont accompagnés enfant, m’ont fait voyager, m’ont dit que l’Homme était capable du pire mais aussi du meilleur. Sans la lecture, il ne m’aurait pas été permis de connaitre nombre d’auteurs qui m’ont appris que l’écriture est le dernier refuge de l’imagination et de la vie mais aussi le premier pas vers la libération…

 

La rentrée scolaire, c’est le rappel de tout ce que ces années ont réalisé pour faire d’un petit d’Homme un adulte épanoui… et en déposant son enfant à l’école, le chroniqueur n’a pu s’empêcher de lâcher un petit soupir discret, bref, mais bien réel d’émotion… Elle était bonne la madeleine de la rentrée 2013….

 

 

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