Pax ecotaxa (30/10/2013)
Avec les aventures d’Asterix et Obelix, Uderzo et Goscinny avaient croqué avec humour et précision certains caractères des armoricains. En effet, il y a en Bretagne quelque ressemblance avec le village d’irréductibles gaulois qui tentent de survivre au milieu d’une Pax Romana qui apporte du bon mais aussi son lot de déconvenue, une uniformisation pour le meilleur et parfois pour le pire.
Avec l’étincelle de l’écotaxe qui a mis le feu aux poudres des problématiques économiques et sociales, le néo-breton découvre un trait qu’il avait entraperçu de loin dans quelque poussée de fièvre sociale qu’un commentateur de pugilat pourrait qualifier de viril. A quelques jours de la « grande manif pour l’emploi et la Bretagne » qui aura lieu à Quimper, il s’en est ouvert à quelques connaissances…
« Ah bon ? tu n’as jamais vu une manif d’agriculteurs ou de pêcheurs en Bretagne ? Pas pour de vrai, j’ai vu des images à la TV… Alors, tu n’as pas tout entrevu de la Bretagne. C’est quelque chose !!! Et l’interlocuteur de raconter comme s’il évoquait une chanson de geste… ça fait du reuz… là où la manifestation passe, la signalisation trépasse, dit il fier de son bon mot… Ça fait parti du folklore de démonter les panneaux et de défoncer les plates bandes ? En quelque sorte… Pourquoi ? Ça met en jambes… En jambes ? Ben oui, pour aller devant la Préfecture ou le Palais de Justice et dire ce qu’on a à dire ! on marque le territoire, on déverse du lisier, des œufs, du poisson, des animaux. Ça dépend de qui manifeste et ce qu’on a sous la main. on brûle des pneus, des palettes. Ça fait de belles images, sinon les médias ne te prennent pas au sérieux. Ça impressionne les parisiens qui font remonter les rapports aux ministères. Note que c’est pas facile les jours de pluie ! »
Le néo-breton est dubitatif. Les bretons, si policés, si prompts à respecter la loi, peuvent se transformer en vulgaire casseur à l’occasion. Il en fait part à son interlocuteur.
« Ne crois pas que ça nous amuse. Enfin, si un petit peu quand même. Mais depuis le traité d’Union de la France à la Bretagne, c’est la seule manière que nous avons de rappeler Paris à ses obligations. Quand la discussion n’est plus possible, il faut bien se faire entendre. Parfois ça dérape, je te l’accorde. Comment ça ? Ben le Parlement de Bretagne à Rennes… »
Le néo-breton ne peut s’empêcher de demander si ce n’est pas un mauvais signal, justifier la violence pour parvenir à ses fins. « Attention, c’est légitime, c’est pour répondre à une crise sociale. Et le néo-breton de rebondir, Comme les émeutes urbaines finalement… » C’est au tour de l’interlocuteur d’être dubitatif « j’avais pas vu les choses comme ça mais oui, d’une certaine manière, s’il faut bomber le torse et casser un peu pour se faire entendre…. Bretons, habitants des cités, même combat… ».
Mais il y a dans ces mouvements un je ne sais quoi d’irréel. Le mariage de la carpe et du lapin dans les rangs de la jacquerie : « Vous n’avez pas l’impression d’être manipulés parfois, instrumentalisés ? Comment ça ? Ben, genre Leclerc qui pousse à se rebeller contre l’écotaxe et qui en même temps pressurise les marges des agriculteurs qui se retrouvent à vendre quasiment à perte et au bord du gouffre. Les gros patrons d’exploitation agricole dont les intérêts sont divergents des petits exploitants….Des groupes politiques de tous les bords qui ont voté une loi et qui maintenant poussent au feu pour ne pas la faire appliquer… ». Le breton pur jus prend un air grave et solennel : « On est pas dupe. Mais chaque chose en son temps. Dans les bons moments comme dans les pires, pour que les choses avancent, il faut s’allier. Comme dans Astérix. Ils se battent comme des chiffonniers et puis quand les romains débarquent, ils se mettent en rang pour l’affrontement… et après le banquet, la vie reprend »
Le néo-breton vient de recevoir une sacrée leçon de réalisme culturel et politique. L’esprit de résistance en quelque sorte. « Et puis, si tu regardes bien, l’épreuve de force, elle a pour terrain les biens de l’Etat, le breton n’est pas complètement fou…. » le néo-breton quitte son interlocuteur pas totalement convaincu de ce dernier argument.
En l’an 2013 de notre ère, au fin fond de sa péninsule, le breton résiste encore et toujours à l’envahisseur parisien pour rappeler son particularisme et sa vision du monde. Et ça dure depuis 1532, pour le meilleur et pour le pire...
12:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ecotaxe, bretagne, quimper, asterix, chroniques, manif 2 octobre, leclerc | | Facebook | |