Intégristes de tous les bords, unis pour le pire... (et jamais pour le meilleur) (02/11/2014)
Est-on consubstantiellement un égorgeur d’infidèles parce que musulman, aime t’on obligatoirement tripoter les petits garçons lorsqu’on est un prélat catholique, est-on préservé d’être un con parce que non croyant…
C’est de ce genre de raccourcis qu’il faut parler pour mieux les combattre. Il n’y a rien de pire que le raccourci. Le raccourci n’explique pas le monde : il le met à la sauce de celui qui utilise ce procédé. C’est bien pratique le raccourci, il peut permettre de dire tout et surtout n’importe quoi…
De nos jours, il existe un raccourci pareil à un épouvantail que l’on agite comme naguère le juif (mais qui constitue encore une valeur sûre comme Dieudonné, pour ne prendre que son exemple, le prouve), le protestant, l’athée (qui revient en force sur fond de défense et de promotions de l’égalité des droits) pour expliquer tous les malheurs du monde…
Le musulman est de nos jours l’ennemi déclaré pour une frange extrémiste qui cherche à s’attirer les sympathies d’un électorat en mal d’explications sur la prétendue déliquescence de nos sociétés.
Si l’intégrisme est à prendre au sérieux et à combattre, il ne faut néanmoins pas mettre tous les musulmans dans le même panier : l’ennemi c’est l’intégrisme, pas l’islam. Comme il y a des intégrismes dans toutes les matières en –isme, il y aurait de quoi mettre une grande majorité dans le grand sac des raccourcis.
Derrière l’attaque en règle de l’Islam, il y a une peur de perdre son identité et une méconnaissance profonde de ce qu’est l’histoire humaine. Un peu de recul permettrait pourtant de comprendre que la notion d’identité est mouvante et qu’il n’y a rien de plus relatif que les mythes qui présentent l’Histoire sous la forme d’une éternité parfaite. Et apprendre au passage à se concentrer sur ce qui compte : peu importe la religion, peu importe les convictions, c’est la question de la radicalisation qui est à traiter, sous toutes ses formes. C’est elle le mal.
De fait, les sociétés évoluent, dans le temps et dans l’espace. Depuis les origines. N’en déplaise aux grands théoriciens de la France éternelle (ou de toute portion d’un territoire), si quelque homo sapiens un peu aventurier n’était sorti d’Afrique il y a plusieurs milliers d’années, ce coin de mappemonde ne serait connu ni pour sa tour Eiffel, ni pour ses 365 fromages et pas plus que pour son extrême-droite…
A vrai dire, les hommes et les idées ont la bougeotte. Ils ne savent pas tenir en place. L’humanité est aventurière et n’a pas attendu Koh Lantah pour le savoir. Ça va, ça vient, dans tous les sens : la migration est consubstantielle de l’humanité, même par petits sauts de puce. Sur une génération ou deux, c’est presque imperceptible, longtemps cela s’est fait par village de proche en proche mais à l’échelle d’un siècle, le changement est là. Le cas de la France est frappant de ce point de vue : Homo Sapiens y a croisé Neandertal et ensemble, ils n’ont pas fait que jouer aux cartes, ce qui rappelle au passage que nous sommes le fruit d’un métissage qui ne date pas d’hier…
Faisons un saut aux périodes celtes et gauloises : déjà, il s’agissait de vagues de migration qui repoussaient les autochtones. Là encore, après s’être fait un peu la guerre, nos ancêtres ont fait l’amour, forcé ou volontaire : l’histoire est une partouze éternelle dont les rejetons sont les vivants présents et à venir… Ensuite vinrent les romains, les soldats de l’empire, il sentait bon le sable chaud le légionnaire… puis les germains, les francs, les arabes, les normands, les migrations d’hier étaient grégaires et guerrières… Même un coin comme la Bretagne n’a pas été épargnée, mieux, sa langue est le produit d’une vague d’immigration venue d’Angleterre au cours du premier millénaire… au gré des périodes de prospérité et de disette, certains sont partis, d’autres sont arrivés, se sont rencontrés, mélangés… L’histoire de la Bretagne est aussi une histoire des évolutions, des brassages et pas seulement de la bière…
Si les migrations guerrières ont cessé, ou du moins sont devenues plus rare en Europe, c’est parce que les Etats ont commencé à exporter la colonisation au-delà des mers : la colonisation n’est rien de plus que ce qui se faisait avant à une plus grande échelle et d’une manière plus brutale.
Une constante néanmoins, les hommes et les femmes ont continué à bouger. Et là où ils se sont installés, ils sont tombés amoureux : le grand mélange s’est poursuivi… rappelons au passage que le grand mélange n’est pas qu’amour : le viol est une triste réalité et aucune civilisation n’a été meilleure qu’une autre en la matière…
Les Amériques, l’Australie, l’Afrique, l’Asie : tous les empires, tous les royaumes ont essaimé aux quatre coins du monde, parfois en adoptant une part des coutumes locales, parfois en imposant les leurs…
Aujourd’hui, les flux migratoires se poursuivent : ils sont économiques, politiques, fuir la guerre, fuir la misère, tenter l’aventure, suivre une personne dont on a fait la rencontre et comme le candidat au voyage ne part pas complétement seul, les idées suivent les Hommes.
C’est une longue histoire commune que celle du paganisme, du polythéisme, de la chrétienté, du judaïsme et de l’Islam entre les deux rives de la méditerranée. Pour ces trois dernières religions, c’est même un temps très très court à l’échelle de l’histoire de l’humanité : l’éternité prend un sacré coup de relativisme. Les gaulois avaient leur panthéon, les romains ont apporté le leur, puis le christianisme et le judaïsme ont essaimé dans l’empire, le premier est devenu religion d’Etat, le deuxième a tenté d’exister en menaçant d’être anéanti au gré d’une histoire tragique et mouvementée. L’Europe du sud a été musulmane pendant quelques siècles. L’influence ottomane s’est concentrée sur les Balkans et l’Europe orientale pendant que la Reconquista s’achevait en Espagne… Le christianisme a connu ses schismes, ses guerres de religion.
En caricaturant un peu, l’histoire religieuse de l’Europe pourrait être résumée ainsi : une religion du moyen orient, le christianisme a pris la place des dieux romains, puis l’Islam a conquis une partie de l’Europe, avant de refluer et d’être à son tour attaqué avec la colonisation en Afrique du nord et l’affaiblissement de l’Empire Ottoman avant de se diffuser au gré des mouvements de population en s’adaptant au caractère séculier qu’il y a rencontré…notamment depuis la guerre des tranchées où les uns et les autres se sont côtoyés comme rarement dans l’Histoire…
Pour reprendre l’exemple de la Bretagne, le massif armoricain du haut de ses 500 millions d’années a vu coexister, parfois se succéder des païens, des druides, des polythéistes, des monothéistes, des athées, des apostoliques, des réformés pour les seules deux mille dernières années… Il n’y a rien de plus universel mais aussi rien de plus relatif que le fait religieux. Comme tout phénomène culturel il est une construction humaine et n’est que le reflet d’une pensée à un instant T.
Certains pensent que le balancier de l’histoire a de nouveau mis Rome et Carthage face à face : l’une et l’autre sont mortes. Il y a plutôt un combat entre le vivre ensemble et l’intégrisme. Et la ligne de partage ne passe pas entre les deux rives de la méditerranée, entre deux communautés religieuses ou des origines ethniques : elle est plutôt en lien avec un rapport à l’Histoire : il y a celle de ceux qui vivent dans une Histoire figée, réinterprétée, en enlevant ce qui ne correspond pas au besoin de la démonstration et il y a celle de ceux qui se tournent vers le présent et l’avenir en sachant bien que le passé est déjà riche d’une histoire humaine mille fois entremêlées…
14:25 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, extrême droite, intégrisme, histoire, bretagne, france, carthage, rome | | Facebook | |