Rendre à César... (28/10/2016)

présidentielle, arène, plèbe, patricien, rome, france, europeUn petit tour en Italie, un passage sur le Forum et c’est un retour direct sur l’histoire tumultueuse de Rome. L’histoire politique de la République, de l’Empire, de l’Église. Les luttes d’influence, les coups fourrés, les faux sauveurs et les vrais salauds, une histoire vieille comme les pierres et pourtant si contemporaine. Le caractère immuable de cette histoire semble s’être transmis jusqu’à nos jours. L’arène politique est aussi animée et parfois mal intentionnée qu’à l’époque romaine, la conquête du pouvoir comme moteur, la recherche de l’incarnation de l’électorat comme prétexte.

Il y a les dangereux populistes qui prétextent la menace du parti de l’étranger pour réaliser l’unité derrière leur oriflamme, et ceux qui courent derrière eux au point de les devancer, même en talonnettes, pour survivre à des défaites passées. Ils agitent les foules en désignant des boucs émissaires pour masquer leur propre turpitude : l’adage est connu, calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose et plus c’est gros, plus ça passe. Ils tueraient père et mère pour arriver à leurs fins, même si le parricide n’est qu’une grossière illusion pour offrir un profil plus lisse.

Il y a les représentants des élites de tous poils, libéraux économiques et conservateurs moraux, prompts à garder leur position. Pour se démarquer des précédents, ils tentent de se faire une virginité en offrant un visage moins agressif, mais grattez un peu et le masque tombe. Ce sont les patriciens de la Rome antique, représentants des grandes familles, qui non contentes de conserver leur position, veulent accumuler encore et encore, en pressant un peu plus le citron de la plèbe, qui n’est qu’une statistique dont il faut s’accommoder.

Il y a ceux qui se drapent des habits de la plèbe mais ne sont au final qu’un autre visage de ces patriciens. La plèbe est plus qu’une statistique pour eux, mais comme dirait l’autre, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs, c’est pourquoi il faut s’accommoder de l’inacceptable, faire que certains soient un peu plus égaux que les autres et par voies de conséquence que d’autres le soient moins.

Il y a ceux qui veulent une transformation radicale du monde, pétris de bons principes et de bonnes idées mais incapables de se coordonner pour rendre possible cette option, passant plus de temps à se dézinguer qu’à combattre leurs ennemis communs.

Il y a ceux qui se retirent du monde pour tenter de construire une alternative à leur échelle : ils ne participent plus ou alors de très loin aux joutes de l’arène. Mais la société civile est-elle capable de construire seule une alternative sans peser sur le cours de l’histoire politique ?

Il n’en reste pas moins que les élites sentent que le temps est au mauvais grain : à force d’aller trop loin, l’exaspération est réelle, la colère grandit. Il ne reste plus comme solution que de faire croire à la nouveauté pour sauver l’immobilisme triomphant de la loi de la jungle. Il suffit de faire roi un homme de paille en lui ouvrant les portes du succès.  Pour ce faire, rien de mieux que la presse, pour raconter l’histoire d’un personnage sorti presque de nulle part mais bien couvé au sein de l’oligarchie, qui se promet de rénover la politique. Interviews, portraits, il faut que la mayonnaise monte pour que les sondages commencent à refléter la fabrique de l’opinion. Ce personnage est présenté comme un rebelle propre sur soi, qui tel le Christ, se lève, se met en marche et se voit rejoint par une armée de fidèle, sans que les questions qui fâchent ne soient abordées : comment les rédactions s’ouvrent elles aussi facilement, comment se finance ce mouvement, qui sont les généreux donateurs, quelle est la réalité du programme au-delà des truismes annoncés dignes d’un vulgaire power point.

Si la violence physique a quitté l’arène politique, le jeu reste le même et la déconnexion entre les intérêts du plus grand nombre et ceux des participants au jeu du trône est réelle. Un séjour dans l’histoire romaine, la lecture de la presse d’aujourd’hui nous rappellent certaines constances de l’âme humaine. Cela peut rendre pessimiste. Mais la connaissance de la chose peut permettre de contourner ce qui semble constituer un horizon indépassable. C’est ce contournement qu’il faut construire, pour en faire une nouvelle cité idéale.

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