Etude très sérieuse des comportements humains primaires en milieu fermé ou comment j’ai survécu à une soirée en boîte de nuit ! (10/02/2013)
Une fois lancée dans le bain de la vie familiale et professionnelle, les occasions sont rares de se rappeler ses années de folle jeunesse délurée composée de fêtes jusqu’au petit matin, d’insouciance, et de youkaidi, youkaida ! Alors quand l’occasion en est donnée et qu’en plus cela vous mène tout droit en boîte de nuit, ça ne se refuse pas.
Mais depuis, vous avez muri et vous ne pouvez pas vous empêcher de vouloir passer la chose au microscope, d’en faire en quelque sorte une étude anthropologique du phénomène. Parce que finalement, des souvenirs de boîte de nuit vous en avez peu. A l’époque la fumée de cigarette envahissait le dance-floor et l’alcool coulait à flot dans vos veines : on se rappelle toujours du mal de crane mais rarement du reste.
Donc voilà votre chroniqueur, dans l’intérêt de la science, tient-il à préciser, accompagné de sbires tout autant enthousiastes et motivés que lui, parti faire le pied de grue, à deux heures du matin, pour entrer dans le saint des saints de la nuit d’une ville de province. Premier constat : pas de peur au ventre d’être refoulé. Le sudiste d’origine a appris à s’habiller depuis qu’il a quitté les rives de la méditerranée, question de goût et de pouvoir d’achat et pas seulement tare culturelle du tryptique maillot short et tong de l’OM. Et les traits de la maturité l’indiquent clairement, il est majeur et vacciné, depuis quelques années même… D’ailleurs ça frappe aux yeux. Il fait partie de la catégorie des vieux au regard de l’immense majorité des yeux juvéniles qui le fixent avec dédain pour les plus sympas, avec un sourire condescendant pour quelques autres. C’est cruel quand on a à peine l’âge du Christ mais c’est ainsi. Mais… mais le vieux, il est rentré lui, avec un bonsoir empreint de respect du videur, pendant que la bande de petits cons boutonneux qui le précédait restait coi devant la sanction qui était tombé quelques secondes auparavant : Non, ça va pas le faire, bonne nuit les petits…
Bref, la porte est passée, la musique devient plus forte, plus proche et des hôtesses trop fardées accueillent le client pour passer à la caisse. Une formalité. Pas besoin de compter ses pièces pour mettre dans le pot commun et acheter une bouteille à vingt pour avoir et le droit d’entrée et une table pour se mettre en opération « ce soir, c’est mon soir ». Non, juste une entrée avec une conso, et si possible sans alcool parce que bon faut pas déconner, demain, j’aimerais pas trop comater et puis lundi je bosse, et puis bon voilà quoi merde, non je veux pas de whisky, je suis devenu intolérant avec tout ce que j’ai pris entre mes 15 et 25 ans !!!
La nature revient au galop : droit vers la piste, le Dieu de la danse nous appelle ! Sans oublier cependant de noter que les murs du couloir qui mène à la salle dite ambiance n°1 ressemblent à ceux d’un abattoir : les chasseurs…et les chasseuses observent leurs proies potentielles. Soyons honnête, à part une femme à l’âge avancée, entourée d’un halo de vapeur éthylique et au rimmel coulant, personne n’a jeté son dévolu sur l’auguste personne de votre chroniqueur. Triste tropique, il est seul avec sa jeunesse passée. En revanche succès pour les filles qui l’accompagnent : la testostérone tourne à plein, la bave coule sur les visages masculins avec le regard du carnassier qui voit passer un groupe de galinettes sandrées…
La salle est bondée, la piste est pleine à craquer et l’instinct reprend le dessus : on joue des épaules, on pousse, on s’impose en douceur mais avec conviction pour se frayer un chemin au milieu des effluves corporelles que la fumée des cigarettes interdites ne couvrent plus. C’est un mélange qui ressemble bigrement à l’odeur du métro aux heures de pointes, la tonne de parfum bon marché pour couvrir les odeurs de sueur et les vapeurs d’alcool qui parfois pincent le nez en plus.
La musique est assourdissante, et très vite inconnue : NRJ, Fun Radio et Skyrock sont sorties de la playlist du trentenaire depuis déjà belle lurette. Mais notons au passage que le chroniqueur le revendique : non, il n’écoute pas Nostalgie ou RFM… Ou alors s’il entend Earth Wind & Fire, un Beatles ou encore pour la french touch un Aznavour. Petite confidence il ne crache pas non plus sur Thierry Hazard et son fameux Jerk, mais il attend d’être seul.
La piste de danse, c’est un poème, une petite scène où se reproduit une tragédie qui se perpétue depuis la nuit des temps : la parade amoureuse du male (et plus rarement) de la femelle en rut. C’est le royaume du maladroit mais provoquant déhanché, de l’œillade discrète et plus surement l’empire du gros lourd aviné qui se prend pour le John Travolta local tout en ressemblant étrangement au Jean-Claude Dusse des Bronzés. Attendrissant, maladroit, tragi-comique mais lourd.
On le voit arriver de loin. Il est d’abord en position de vigie, embrassant la piste pour mieux choisir son parcours. Puis il passe à l’attaque, non sans avoir pris la peine de remplir son verre pour mieux en répandre le contenu sur la moitié de l’assistance. Il a repéré une fille, ou souvent plusieurs, croyant ainsi multiplier ses chances, comme au loto. Il ne l’aborde pas directement, il tourne autour de loin, comme s’il ne s’intéressait pas, mais sa ronde ne trompe pas, comme le vol des abeilles, il précise quelle fleur il souhaite butiner. Puis, sans y paraître, il se place face à elle, mais en léger retrait du groupe auquel elle appartient. Il lance des œillades mystérieuses, entre regard de tueur et reproduction du sourire de Julio Iglésias. C’est pitoyable mais personne n’ose lui dire. Il analyse. Il est patient. Il avance, centimètre par centimètre. Si sa victime a le malheur de croiser son regard, par inadvertance ou coup de folie, son sort est fait. Il rapplique à deux centimètres de son oreille pour lui susurrer avec cet accent indéfinissable de boîte de nuit, entre musique assourdissante et alcool : SALUT, JMMMAPPELLE KEVINETTOI ? Notons que Kevin pourra porter, sans honte aucune, des accessoires improbables. En l’espèce, le chroniqueur en a vu un avec une fleur de douche rose à l’oreille, qu’il avait glané quelques minutes plus tôt lors de la distribution des Kdos de la soirée par un institut de beauté. Qu’aurait il fait si les cadeaux avaient été des sex toys, je laisse le lecteur répondre à cette question... Mais revenons à notre Rudolph Valentino des Dance Floor. Pour Kevin, un regard croisé est une invitation alors qu’il s’agit le plus souvent d’un accident. Peu importe, il y va sabre au clair si le chroniqueur peut se permettre. Il va se coller contre sa proie dans une danse aussi langoureuse et esthétique qu’un chien qui vous saute dessus : ce qu’il veut Kevin, c’est du contact. C’est là que son côté Jean-Claude Dusse reprend le dessus, sur un malentendu, ça peut marcher.
Mais pour le salut de Kevin, il y a des Kevina. Une boîte de nuit est un vaste marché de la rencontre où l’offre et la demande s’équilibrent. Tout le monde finit toujours par trouver chaussure à son pied, ce n’est qu’une question de révision des standards. Et en boîte de nuit, c’est vitesse accélérée pour être le moins-disant : pour ne pas chanter comme Elmer Food Beat je vais encore dormir tout seul ce soir, l’alcool est à la boîte de nuit ce que la baguette magique est au conte de fée : passées quatre heures du matin, le crapaud est un prince charmant et les cendrillons se multiplient dans la salle ! La nature est bien faite, seul le réveil sera difficile.
Mais faut-il le préciser, la multiplication des rencontres de fin de soirée n’ont rien d’une comédie romantique, ce serait plutôt un mix entre l’amour est dans le pré et Histoires Naturelles : c’est sauvage et un peu déguelasse sur les bords, des corps désarticulés et titubants se rapprochant à grands coups de langues baveuses, il y a un peu du partouze chez les zombies…
Fin de soirée, clap de fin, il est temps de rentrer, en laissant Kevin et Kevina vivre pleinement un amour éternel de quelques heures. La porte de la sortie, même les videurs sont fatigués… Il fait froid, les acouphènes ont fait leur apparition et un tube de merde trotte dans la tête… En deux secondes au fond du lit, les yeux se ferment instantanément. Pour se rouvrir aussi vite, réveillé par son gamin. Putain le temps passe !
14:19 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : boite de nuit, etude sociologique, jean claude duss, saturday night fever, alcool, videur, quimper, bretagne | | Facebook | |