Débit de poison : histoire grecque (07/07/2015)

grece, europe, dette, punition, eschyle, oreste, sarkozy, ump, les républicainsUn créancier qui voudrait ne pas perdre tout ce qu’il a prêté ne cherchera pas à saigner son débiteur jusqu’à ce que mort s'en suive. D’une, il fait toujours payer le risque qu’il prend dans le calcul des intérêts qu’il exige de son débiteur. De deux, en prêtant, il accepte de prendre une part du risque. De trois, il vaut mieux qu’il perde le moins possible.

Un débiteur qui ne voudrait pas perdre toute crédibilité ne peut pas faire défaut comme si de rien n’était. S’il le fait, il perdra la confiance que les autres peuvent mettre en lui. Il ne trouvera plus personne pour prendre le risque de lui prêter.

La chose est bien faite, je te tiens, tu me tiens par la barbichette.

Alors on négocie. On trouve un terrain d’entente, on étale, on fait une remise partielle. Tout le monde le fait, la preuve, Sarkozy négocie avec les banques pour aménager la dette  d’une UMP qui a vécu au-dessus de ses moyens et maquillée les comptes, un peu comme les grecs d’ailleurs.

 

Le créancier peut aider son débiteur à trouver des solutions pour permettre de régler son budget. Mais il lui laisse le choix. Sinon ça s’appelle la tutelle. Et ce n’est pas très responsable.

Mais nous ne sommes plus dans des questions économiques avec le cas grec. C’est de politique et de psychanalyse qu’il s’agit. Punir et Humilier. Ce sont là deux actions que les forts qui sont faibles font pour se rassurer, pour tenter de conserver leur position. C’est le sentiment de la puissance que de voir l’autre souffrir.

C’est aussi dans ce cas tenter de nier la responsabilité que l’on porte dans le désastre. Il fallait faire entrer la Grèce dans l’Euro pour le symbole : raccrocher l’histoire antique à une promesse d’avenir monétaire commun… L’actuel président de la Commission européenne était premier ministre du Luxembourg, homme fort de l’Eurogroupe à l’époque de la qualification de la Grèce à l’entrée dans l’Euro et aujourd’hui premier à déclarer la guerre aux hellènes…

Le projet européen bat de l’aile. Il n’est plus politique depuis longtemps. Celui d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples, fondée sur le développement commun et la solidarité. Supranationalité des capitaux oui, supranationalité de la monnaie et indépendance des contrôles aussi mais d’un autre côté volonté de ne pas confier à des organes démocratiquement élus la fixation de certaines politiques : ce sont les gouvernements, soit l’addition des intérêts particuliers de chaque État et gouvernements qui dictent les lois et non l’intérêt commun des européens à construire un présent et un avenir ensemble.

Dans une analogie osée mais pas totalement dénuée de sens, c’est comme si aujourd’hui les régions françaises et la Banque de France décidaient du sort de la Corse sans que la représentation nationale, à défaut d’une consultation directe des citoyens, n’ait son mot à dire sur la solidarité à appliquer entre les territoires.

Alors oui, le problème grec, même s’il est économique est avant tout politique. C’est l’idée que l’on se fait de l’espace commun. Et ce que l’on voit ne peut qu’inquiéter : loin de construire l’Europe, la position d’intransigeance adoptée par les dirigeants européens s’apparente à un suicide collectif de l’idée européenne, de la démocratie qui la constitue. En privilégiant la finance sur les peuples, ils oublient pour qui l’Europe a été construite. Ils oublient à la suite de quoi elle s’est construite. Les dirigeants européens, en oubliant, préparent le retour de ce que les fondements de la construction européenne ont essayé d’enrayer après deux guerres meurtrières : l’abolition des démocraties par l’alliance du fascisme et du nationalisme, la guerre des uns contre les autres.

Comme le notait T. Piketty récemment, l’Europe s’est construite sur le pardon et l’effacement de la dette, quelle qu’elle soit. Il est nécessaire, pour se tourner à nouveau vers l’avenir, que les dirigeants européens s’en souviennent : on ne construit pas une société sur la punition.

Il est encore temps de s’inspirer d’Eschyle quand il décrit comment les Érinyes (les Furies) se transforment en Euménides (les bienveillantes) une fois Oreste acquitté lors du procès tenu du côté du Parthénon : quand la vengeance et la punition font place à la justice.

 

Comme quoi, l’Europe a besoin de la Grèce… et nos dirigeants de relire leurs classiques.

17:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grece, europe, dette, punition, eschyle, oreste, sarkozy, ump, les républicains | |  Facebook | | | |  Imprimer