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Chronique d'un néo-breton, épisode 10 : de l'art de parler suédois en terre celte

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Le néo-breton a déménagé, mais sa maison est bien vide. L'ameublement est de mise... N’ayant ni la prétention d’être original, et ne disposant pas non plus d’un budget qui lui permettrait d’aménager son intérieur avec les derniers décorateurs à la mode, le néo-breton se voit contraint de choisir entre le bric et le broc d’un chinage en bonne règle ou le confort pas très original d’une chaine de vendeur de meubles. N’ayant jamais réussi une bonne affaire de sa vie dans une brocante, conséquence d’une peur à poser les questions qui fâchent au moment de l’achat de par une empathie mal placée, l’auteur se dirige donc vers la deuxième solution.

Le nouvel arrivant pensait légitimement apprendre le breton, mais c’est le suédois qui va être la langue qui lui permettra de franchir cette étape particulière de sa nouvelle vie. L’avantage de cette solution est indéniable : le mobilier du géant scandinave est passe-partout, pas trop excessif et le montage ne demande pas d’être équipé comme un bricoleur professionnel. Cela tombe bien, à part un marteau et un jeu de tournevis au rabais, la trousse à outils est tout ce qu’il y a de plus vide. La liste des emplettes dressée au préalable, qui permettra de contenir tout autant ce que les cartons contiennent que ce que l’avenir réserve, on n’est jamais trop prudent, le néo-breton va donc faire un tour dans le grand nord, ou plus précisément dans une de ses nombreuses succursales.

Si la France est le pays du vin et du fromage, le prêt à monter mobilier, tout autant que le groupe ABBA et plus près de nous le roman policier, constitue le fer de lance du modèle économique de la patrie des Bernadotte. La camionnette louée, le chroniqueur file vers la grande sœur ennemie de Quimper, Brest, dans une découverte en accéléré des différences entre Nord et Sud Finistère, entre Léon et Cornouaille. Pour dire vrai, d’une sortie de ville à l’autre, elles sont minces, les zones commerciales qu’elles soient ici ou ailleurs ont une fâcheuse tendance au mimétisme, pour ne pas dire à un manque d’originalité inesthétique. Le tourisme ne sera pas pour cette fois, bien que la vue plongeante sur la rade de Brest depuis le pont enjambant l’Elorn puisse faire croire à une véritable escapade près du cercle polaire : il y comme un air de petit fjord pour rejoindre la petite Scandinavie.

 Le circuit imposé peut commencer, ce dédale organisé pour laisser à penser que tout est indispensable et de très bon goût mais qui n’a qu’un but, alléger un portefeuille qui n’en a pas besoin. L’agencement est diablement bien pensé. Avant même d’entrer dans le vif du sujet, l’ennemi tente de vous faire baisser la garde par sa gentillesse. Bonjour, Bienvenue, pouvons-nous vous aider ? Prenez donc un stylo, un mètre en papier et un sac. Bonne visite. Sans se détourner de son objectif, sa liste préalablement éditée, le béotien de l’aménagement avance, s’arrêtant ci et là pour confirmer que son choix initial est le bon. Mais c’est un combat de tous les instants, la moiteur, le bel agencement, l’odeur du bois se dégageant des meubles cherchent à perturber la quête entreprise. C’est vrai que ce canapé est chouette, et cette table, comme elle irait bien, et là, cette bibliothèque et ce bureau…

Mais le petit padawan n’ira pas du côté obscur de la force, il est venu accompagné d’un esprit raisonnable et avouons le, un peu pingre, pour lui donner mauvaise conscience et ainsi le tirer des embuscades dans lesquelles il pourrait tomber à chaque instant. Cinq chariots pleins sont nécessaires pour équiper la maison, la file d’attente à la caisse étant de votre seul fait. Les clients qui se mettent à la queue de vos cartons vous détestent. La vendeuse sent le mauvais coup : les cartons sont nombreux, lourds et vous n’avez pas pensé une seule seconde au passage du code barre. La manipulation des cartons va être longue et fastidieuse, le regard de l’hôtesse de caisse n’y trompe pas : comme les autres clients, elle vous hait. Le dernier article est passé, la douloureuse arrive : des mois d’économies vont changer de propriétaire : de votre compte à une banque suédoise. Autant dire qu’avec ce que vous lâchez, le personnel se met en quatre pour vous aider à charger le camion, qui contient bien six mètres cubes de planches et vis.

Et c’est ainsi que sur le chemin du retour, entre deux sandwiches au renne, vous tentez le calcul : combien de tours de poignet vont être nécessaires pour monter la totalité de ces meubles sans se faire un tour de rein…

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