Ce qui doit arriver arrive toujours, et le chroniqueur doit s’y résoudre, il va livrer un billet de vieux sur le mode c’était mieux avant. Mais pas sur n’importe quel sujet ! Un sujet capital de nos sociétés modernes, au carrefour des règles de savoir-vivre et des choix de société. A savoir, le contenu de la galette des rois, et pour être plus précis,- tout en levant un peu le suspense qui tient en haleine le lecteur depuis trois phrases, ce qui, de nos jours, représente une éternité- le déclin inexorable, honteux, de la frangipane, plus particulièrement cette année où elle a quasiment disparu des étalages.
En 2014, c’est le mélange chocolat-fruit qui tient le haut du pavé, que l’on retrouve désormais dans tous les plats et à toutes les sauces, la galette n’échappant pas à cette invasion, le fourrage compote de pomme ou de poire et chocolat triomphe sans modestie. La simplicité et le goût de l’enfance ont perdu, les repères s’effacent, la surprise doit être permanente, l’année prochaine un fourrage chassera celui de cette année et par cycle la frangipane reviendra aussi surement que les extraits de musique disco sur les platines des DJ, façon vintage, avec une fève des chevaliers du zodiaque ou de Candy.
Pour retrouver sa madeleine, l’Homme des années 2014 devra faire le tour des boulangeries pour enfin trouver la perle rare, celle qui fond dans la bouche, avec cette texture si spécifique, ce gout inégalé de la frangipane tiède, celle qui met les larmes à l’œil et qui donne envie d’appeler sa maman et de plisser les yeux en invoquant le Dieu de la fève, pour être le roi ou la reine.
Trouble public s’il en est, atteinte à la dignité de la galette, il est plus que temps d’arrêter ce carnage et d’interdire le fourrage de la galette par d’autres choses que la Frangipane. Avec la célérité nouvelle qu’on lui connaît, le Conseil d’Etat ferait bien de se prononcer sur les directives du syndicat des boulangers-pâtissiers proposant de remplacer la frangipane par de la pomme ou poire chocolat.
Frangipaneurs, frangipanés, unissons-nous !