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  • D'un génocide à l'autre...

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    Kigali il y a 20 ans, Srebrenica, il y a 19 ans. Si loin, si proche. Toujours la même mécanique. Irréelle et pourtant d’une efficacité redoutable, pour faire tomber l’Homme dans ses pires travers. Dénier l’humanité de l’autre, en faire le bouc-émissaire, instiller le virus de la haine et du meurtre dans les têtes. Puis lâcher les chiens. On se dit que c’est loin, que ça ne peut pas arriver par ici. Que ça ne peut plus arriver. Pourtant, sans y prendre garde, la mécanique implacable peut se mettre en place, mieux, les ingrédients sont là pour sa réalisation.

    La montée des populismes en Europe est constante et à chaque élection plus flagrante. Le vote d’adhésion à des idées nauséabondes et dangereuses  progresse, tandis que nombre d’électeurs baissent les bras et ne se déplacent plus pour contrer dans les urnes le fond de l’ère mortifère. L’extrême droite ramasse le gros lot, contamine les discours, les partis traditionnels, les conversations, les postures. L’autre est la cause de tous les problèmes, la petite musique s’infiltre partout, dans les blagues de machine à café, dans les repas de famille, sur les murs facebook, dans les chaines de mail…

    Dans le cas du génocide Rwandais, mais tous les autres exemples comporteraient des ingrédients similaires, il y a la construction artificielle d’une différence. Par définition, le racisme est une construction. Ce narcissisme des petites différences que Freud dénonçait, qui rappelle que la communauté des Hommes préfère parfois distinguer ce qui n’est pas distinguable que de mettre en lumière la part commune de l’humanité. Au Rwanda, il a fallu un siècle pour que le processus arrive à maturité, le poison raciste ayant été introduit par le colonisateur, en distinguant bon noir et mauvais noir, entre hutus et tutsis, le temps a fait le reste. C’est parfois plus long, parfois plus court…

    Le bourrage de crâne, la construction du sentiment de haine et un matin un appel au meurtre qui est entendu. Ça peut aller très vite. Le voisin se transforme en prédateur, l’horreur devient la réalité. Puis le réveil, brutal. La vie ne va pas mieux, au contraire, la mort imprègne les rues, la terre, les immeubles, les vêtements, les corps, les consciences.

    Utiliser un bouc-émissaire, désigner l’autre, c’est une lâcheté et une paresse intellectuelles. C’est le signe de imbécillité. Il n’y a aucun excuse, il n’y a pas à comprendre. Tout au plus, et c’est le principal, à démontrer la stupidité de ces idéologies, la fausse route que prennent ceux qui tombent dans le panneau. Inlassablement, en permanence.

    Srebrenica, Kigali il y a 20 ans. Si loin, si proche. Les commémorations pour les commémorations n’ont pas de valeur. Une cérémonie seule, trop institutionnalisée n’a pas de plus-value. Elle peut même rendre l’événement éthéré, lointain, comme inexistant. Mais se souvenir pour comprendre, se rappeler de la fragilité des situations, du combat permanent que représente la construction d’un vivre ensemble, échanger, discuter, se rendre compte que la préservation de ce vivre ensemble impose des efforts de tous les instants, aucune relâche, c’est un travail d’utilité publique.

     

    N’oublions pas les morts, n’oublions pas comment et pourquoi ils ont été tués. N’oublions pas que nous ne sommes pas différents de ceux qui sont tombés et de ceux qui ont tués. Pour ne pas finir dans l’une de ces deux catégories, rappelons-nous Kigali, rappelons-nous Srebrenica…