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socialisme

  • N'est pas Jaurès qui veut...

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    jaures, centenaire, socialisme, gaucheHollande est à Jaurès ce que Sarkozy est à de Gaulle : un violeur de mémoire. Se réclamer des grands hommes est facile, se montrer à leur hauteur n’est en revanche pas à la portée du premier venu.

    A l’heure où l’actuel locataire de l’Élysée réalise ce que les libéraux n’ont jamais osé rêver, défendant presque toujours le plus fort de l’instant et de plus en plus rarement celui qui a besoin de sa protection, tuant le parti socialiste et la gauche de gouvernement pour les années qui viennent, se draper dans le souvenir d’un homme qui était son extrême opposé sur bien des points a quelque chose d’indécent.

     Tout le monde se revendique du fondateur de l’Humanité au point que la perception que l’on peut avoir du personnage devient confuse, pour ne pas dire floue… Jaurès est caricaturé à l’extrême et ces dernières n’hésitent pas piller son héritage.

     Chacun reprend sa petite phrase du grand homme. En revanche, rares sont ceux qui ont lu la complexité et la richesse d’une œuvre inclassable. Ses réflexions n’étaient pas réductibles à la manie des 140 caractères qui symbolise notre société et le discours politique d’aujourd’hui. Lui portait un projet de société, un idéal, une idée, fruit d’une réflexion toujours active, rectifiant par ci, approfondissant par là.

     Des erreurs, il en a commises. C’est humain. Jaurès en était un. Pas ce démiurge que la légende a construit. Mais il avait une qualité rare en politique, au-delà de son talent d’orateur, c’était de savoir le reconnaître. Loin d’être un dogmatique, il savait écouter et entendre. Tout en restant fidèle à quelques principes.

     

    Son fil conducteur, c’était la foi en l’amélioration de la condition des hommes et des femmes, dans un idéal d’égalité et de fraternité.

     Historien dans l’âme, il connaissait les effets des temps longs. L’action politique pour lui c’était autant les grandes batailles que les petites victoires. Il savait reculer pour mieux sauter, arracher la petite victoire pour mieux préparer la prochaine. Homme de compromis certes, mais tout autant homme d’opposition quand le compromis conduit à la perte.

     Souvent à contre-courant de son propre camp, il n’a que très rarement hésité à prendre des risques, il a donné de sa personne. Il a mouillé sa chemise comme on dit… Soutien de l’entrée de Millerand au gouvernement de Waldeck-Rousseau, Loi de 1905, opposition à la loi des 3 ans, facilitateur de l’union des socialistes en acceptant de se mettre en minorité, pacifiste au milieu des va t’en guerre…

     Engagé il l’était, au côté des plus faibles. Pas pour une photo ni un article. Non, au quotidien. Simplement. Sans lumière.

     Stakhanoviste de l’écriture, il fixait ses réflexions dans un style grandiloquent, parfois trop d’ailleurs, voyant des nuées partout, des orages dans tous les coins.

     Son dernier combat, celui de la paix, il l’a perdu. Mais il l’a fait entrer dans l’Histoire. La mort abrupte donne à la postérité la pureté de l’engagement.

     Quatre jours après son assassinat, sur sa tombe, son camp décrétait l’union nationale. Le patriote n’aura pas eu à être tiraillé avec l’internationaliste.

     Ce qu’il reste de Jaurès, c’est à la fois une conduite et une pensée. Il faut la prendre dans sa globalité mais aussi savoir faire son propre chemin.

     Jaurès est mort il y a cent ans. Son monde aussi. Ses combats se poursuivent. Pour être à sa hauteur, il ne faut pas chercher à endosser son costume. Il faut plutôt reprendre le flambeau de ses combats et retrouver la foi qui l’animait pour agir, encore et toujours. Jusqu’à chasser la nuée des injustices qui peuplent le ciel de l’humanité.