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  • Chronique d'un néo-breton, épisode 8 : on the road to the wild wild west

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    Le déjà plus tout à fait Parisien et presque bientôt Breton se trouve dans les starting blocks du déménagement, le ballet de son depart d’Ile de France peut commencer :

     

     

    Tout est prêt, le plan de bataille pour remplir le camion est dans la tête, les bras arrivent, accueillis par l’indispensable café et ses acolytes, croissants et pains au chocolat. La valse des cartons commencent dans les étages, le voisinage ne se propose pas de vous aider, la frustrée de l’étage du dessous a le sourire : vous partez. Dans un dernier accès de politesse, vous demandez à vos amis de bien insister en s’arrêtant systématiquement devant sa porte pour parler fort : après des années de bienséance où vous n’avez pas moufté sur ses manies psychotiques, vous vous lâchez dans un acte de vengeance sans bravoure en lui pourrissant sa matinée. Elle aura au moins une véritable raison désormais de vous haïr, voilà un beau geste de votre part qui permettra à ce pauvre être de justifier sa méchanceté quotidienne.


     

    Le bilan du camion rempli n’est pas si catastrophique : vous êtes dans les temps, à peine deux ou trois cadres cassés et vous laissez derrière vous ces immondes chaises que votre compagne tenait absolument à emporter. Une bien belle récompense !

    Les portes battantes se referment, vous partagez une dernière bière à même le trottoir, sous le regard haineux de votre voisine qui esquisse un sourire lorsqu’elle entend le nom de votre destination finale.

     

    Après les dernières embrassades, le camion démarre et seul le rétroviseur vous permet de distinguer les morceaux de vie que vous quittez. Proxima estacion : Kemper.


    La première partie du parcours est rapide, mais vous ne pouvez vous empêcher de vous arrêter en route pour dévorer un dernier KFC. Dans votre nouvelle vie, le plus proche ne sera pas à moins de 70 kilomètres, autant dire à des années lumières. Puis, quelques temps après avoir repris le volant, un panneau "bienvenue en Bretagne" apparaît, sous titré en une espèce de langue obscure mais à la puissance magique « Degemer Mat ». Vous avez atteint votre but.


     

    Enfin…presque. Rennes n’est pas encore en vue et le Finistère n’a jamais aussi bien porté son nom. C’est bien le bout du monde et avant de l’atteindre, il va falloir traverser la Bretagne dans toute sa longueur. Pour se rendre compte que cette région, ce n’est pas seulement des côtes océaniques aussi riches que variées mais tout autant une terre vallonnée, et très agricole. C’est par les narines débouchées par une fragrance douteuse que vous vous en apercevez. L’épandage du lisier n’est pas un mythe, il existe, l’élevage porcin et bovin est bien réel.


    Pour l’élevage bovin, vous auriez du le deviner depuis longtemps déjà : d’où vient tout ce beurre que l’on trouve à toutes les sauces et dans tous les plats, jusqu’au fameux caramel au beurre salé ?.. Pour le cochon, vous pensiez que c’était un montage des bretons, qui sont capables des pires mensonges tels que de faire croire qu’il n’y a jamais de soleil chez eux, dans le seul but de ne pas être envahis par une horde de Parisiens en mal d’espaces et d’air iodé. Il ne pleut pas (encore) mais le suidé n’est pas une vue de l’esprit, son odeur attaque l’habitacle, puis vos narines et il faudra quelques minutes d’aération pour que les effluves tenaces se dispersent ! Vous noterez que le chroniqueur, néo-breton, entretient lui aussi les légendes urbaines, bien que rurales, pour se protéger à son tour des hordes… ce qui prouve bien que les convertis sont les plus fanatiques mais c’est là un autre débat et d’autres chroniques. Revenons à nos moutons bretons, qui sont plutôt roses avec la queue en tire en bouchon.

     

    Un panneau annonce enfin la terre promise, et des noms de destination de vacances : Concarneau, Quimper, Bénodet, la Pointe du Raz…Le Finistère, la Cornouaille, here we are !


    Il fait beau, il fait…une température de côte bretonne, l’humidité et la fraîcheur tombent nets, sans prévenir, lorsque le soleil commence sa lente disparition de l’horizon. La fourmilière parisienne est loin, le Breton est pareil au tournesol, il ne sort la tête que le jour, ensoleillé si possible, les rues sont clairsemées, pour ne pas dire l’odieuse vérité : en saison hivernale, il n’y a pas un chat à l’horizon après 19h, weekend compris. Il faut s’y faire.


    Mieux, il y a du charme dans ces rues désertes, balayées par un fin crachin, qu’une faible lumière artificielle éclaire. Une quiétude que l’usager quotidien du métropolitain avait oubliée. Ajouter à cela une fine odeur de crêpes et de galettes, qui se mêle presque naturellement à celle du beurre fondue, et voilà l’auteur de ces lignes transporté au sommet du massif armoricain. Certes, l’altitude ne lui fera pas manquer d’oxygène mais il n’empêche qu’il prend un peu de hauteur pour mieux souffler…Et du souffle, il va en avoir besoin ! Passer d’un studio à une vraie maison avec jardin va constituer une nouvelle aventure qui ferait passer un déménagement pour une promenade de santé…

  • L'enquête (les chroniques de la RGPP...)

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    Lorsque l’ordinateur avait émis le premier clignotement, personne n’y avait prêté attention. Le matériel était coutumier du fait, la faute à des logiciels que le moins disant avait fourni, mais avec les défauts qu’occasionne parfois cette qualité. En moins de temps qu’il n’en faut pour transcrire une directive européenne en droit interne, la carte du pays était pareille à une Tour Eiffel un soir de 14 juillet. En un mot, la situation était grave. Avec un problème non négligeable pour ne pas dire de taille : personne ne savait pourquoi. Cette carte faisait partie d’un programme noyé au milieu de milliers d’autres programmes, dont l’objectif et le sens s’étaient perdus. Celui qui l’avait conçu, tout comme celui qui l’avait commandé avaient quitté les locaux depuis belle lurette.

    Les plus hautes instances avaient été alertées des périls qui s’annonçaient, sans pouvoir être informées sur la nature des désastres à venir. Notons que la situation aurait pu prêter à sourire et même à rire, si la gravité n’avait pas été de mise du fait, et des dangers potentiels encourus mais répétons le, inconnus, et d’une austérité naturelle des dites plus hautes instances, qui leur avait valu le sobriquet n’ayant aucun rapport avec la présente histoire mais que le narrateur ne peut s’empêcher de vous faire partager : « la famille Adams ».

    Une cellule de crise fut rapidement constituée pour prévenir toute fuite sur le mystère qui s’épaississait d’heure en heure et qu’une presse en manque de sensation n’aurait pas hésité à étaler, en amplifiant et caricaturant le potentiel danger qu’aucune autorité n’était en mesure d’expliquer. Imaginons un peu le sentiment paradoxal qui aurait pu saisir la population : une peur irrationnelle couplée à une tranche de fou rire face au désarroi d’une élite plongée dans une expectative qui la rendait, avouons le, aussi risible que possible.

    Les plus beaux cerveaux produits par le système scolaire national, venus de tous les ministères, « brainstormaient» comme rarement ils avaient pu en avoir l’occasion depuis la dernière réforme locale, jusqu’à ce que le génie français produise enfin un début de proposition pour une ébauche de sortie de crise : retrouvez les personnages qui avaient mis en place ce système d’alerte. L’enquête fut rapide, rondement mené et pour tout dire c’est le concierge du ministère de l’intérieur qui donna les coordonnées de l’un des deux larrons, avec qui il avait gardé contact, ce qui confirme qu’au cœur du pouvoir, le concierge est une sorte de demi-dieu qui en sait bien plus que tous les mouchards placés dans le moindre recoin des plus obscures pièces. Pas de médaille pour notre homme de bien, car déjà la sainte inquisition républicaine passe à la question Michel Lechêne, ancien obscur programmateur du ministère, qui au temps déjà lointain, préhistorique dirait les plus jeunes des stagiaires de l’administration, de la mise en place de la LOLF, acronyme pour indiquer que le budget pouvait être rigolo, du moins est-ce le seul sens qu’ait indiqué une « googlelisation » des quatre lettres, bref, pour résumer et avant de se perdre dans une phrase qui pour la majorité et en particulier mon prof de français de terminale est bien trop longue et lourde,  Michel Lechêne exerçait ses talents en un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre.

    Aujourd’hui responsable du service informatique d’une communauté de communes dans le pays de son enfance, entrela Bretagneetla Coted’Azur, Michel Lechêne, fidèle au langage binaire qui est la fierté du monde informatique, ne fit aucun détour dans ses explications et alla droit au but, ce qui est certes tout à son honneur mais ne permet pas à l’écrivain d’écrire un roman, lui qui a besoin de rebondissements, de mystères et autres boules de gomme. Sous le regard attentif de l’inspecteur général des services Pierre-Matthieu deLa Pie QuiChante, le programmateur désormais territorial indiqua que ce logiciel recensait tout simplement chaque année les déférés préfectoraux à l’encontre des décisions et autres délibérations de ceux qui s’administrent librement mais sous le regard bienveillant du représentant de l’Etat. Le clignotement rouge du logiciel traduit un nombre égal à zéro de déféré dans une préfecture sur une année. Il apparaissait donc qu’une seule sous-préfecture avait réalisé une telle opération l’année précédente, et que toutes les autres n’avaient rien eu à redire à ce qu’il leur avait été transmis. Un soulagement général traversa les ministères et les cabinets des plus hautes autorités, l’alerte n’avertissait pas d’un danger, elle tendait même à prouver que la qualité des administrations locales décentralisées avait atteint un niveau proche de l’excellence à une exception près, le grand chelem était à portée de main…

    Michel Lechêne fut chaudement remercié, le concierge fut une nouvelle fois oublié et l’affaire alla rejoindre le carton de celles qui sont menées et classées avec brio, car les brigades du tigre des hautes sphères administratives n’étaient pas mortes !

    Michel Lechêne, de retour dans sa communauté de communes, en première classe,la Républiquen’étant jamais la dernière pour honorer ses fidèles serviteurs, ne pouvait s’empêcher de revoir cette carte illuminée de mille feux. La solution était trop simple pensait ce clone de l’inspecteur Clouzeau, dont le goût pour le roman policier avait instillé dans son esprit une déformation non pas professionnelle mais néanmoins bien aiguisée qui le faisait douter constamment devant la simplicité des choses pour ne pas dire les simplifications que l’âme humaine apprécie tant. Une nuit, puis une deuxième sans avoir trouvé le sommeil commencèrent à inquiéter les collègues du directeur de l’informatique.

    « Michel, qu’est ce qui t’arrive ? T’arrives pas à retourner chez le commun des mortels ? » osa la directrice générale qui ne connaissait pas le quinquagénaire si taciturne dans son quotidien.

    Michel Lechêne, après quelques hésitations, s’ouvrit de ses interrogations persistantes. Rompant le secret professionnel qu’il ne lui avait pas été demandé de rompre, l’ancien programmeur du ministère de l’économie présenta l’état de ses investigations qui tenaient en une hypothèse simple : si le thermomètre indique qu’il n’y a pas de température, ça ne veut pas pour autant dire qu’on n’est pas malade. Devant l’air dubitatif de son supérieur hiérarchique et néanmoins amie, Michel Lechêne compris que l’heure n’était pas à la littérature policière et à la périphrase et que le langage binaire direct serait bien plus efficace :

    «  S’il n’y a plus de référés, c’est peut être parce qu’il n’y a plus matière à, mais ce peut être tout autant parce qu’il n’y a plus personne pour en faire…CQFD… » proclama l’enquêteur des mystères administratifs dela République.

    La bombe lachée, quoiqu’un peu estomaquée, Anne-Lise Martin, directrice des services de la communauté de communes des trois étangs, bien qu’elle n’en ait jamais répertorié que deux, allez savoir le pourquoi du comment, proposa à l’informaticien de l’aider à alerter les plus hautes autorités de son hypothèse pas si farfelue en temps de vaches maigres des finances de l’Etat.

    Aussitôt dit, aussitôt fait, les sarcasmes des hauts fonctionnaires sur la vacuité, pour ne pas dire l’outrecuidance d’une telle idée qu’ils n’auraient pas eue auraient pu tuer dans l’œuf une carrière d’enquêteur si l’inspecteur général des services DeLa Pie QuiChante n’avait appelé en douce Michel Lechêne pour lui demander d’enquêter en secret à ses côtés. La piste méritait d’être explorée, et lui aussi se sentait une âme de fin limier, paré à démêler l’écheveau de tous les mystères possibles.

    Dans une confidence de fin de conversation, l’inspecteur général, trentenaire, avoua que son métier il le faisait plus par obligation familiale, au nom de la tradition et parce qu’il avait, pour son malheur, réussit les grandes écoles, mais que son rêve caché et profond, c’était de porter un insigne, bon flic mais pas du genre premier de la classe, aux méthodes efficaces mais qui mordillent allégrement la ligne jaune, ce qui prouve bien que l’habit ne fait pas le moine, y compris dans les ministères monacales.

    Le duo de détectives en herbe décida que l’enquête devrait être rapide mais simple, du fait des moyens d’action limités qu’ils avaient à leur disposition : du bagout et un téléphone. Ce qui n’est pas Byzance mais on a construit des empires avec presque moins que cela plaisanta l’aîné des deux compères.

    La répartition des préfectures pour prendre les renseignements nécessaires sur le contrôle de légalité s’opéra par l’attribution des numéros pairs à Michel Lechêne et les numéros impairs à Pierre-Mathieu dela PieQuiChante, qui se fit rapidement nommer par son nouveau camarade PM, raccourci bien pratique que seul un informaticien avisé aurait pu oser.

    Commentla Corsedu Sud (2A) etla Haute Corse(2B) furent réparties restera un mystère de cette histoire.

    Pour mener l’enquête, le stratagème était simple : les deux larrons se faisaient passer pour des stagiaires du ministère devant récolter quelques données dans le cadre d’une étude commandée par le ministre lui-même. Le questionnaire tournait autour du pot pour ne pas éveiller les soupçons des forces déconcentrées de l’Etat, qui, auraient du être appelées les forces diluées jusqu’à un dosage homéopathique, comme les résultats de l’enquête n’allaient pas tarder à le démontrer. Les préfectures avouaient, honteusement, puis avec une rage contenue trop longtemps, que de fait, plus personne n’exerçait véritablement le contrôle de légalité. Les effectifs ne le permettaient plus, les agents en poste n’avaient plus été remplacés depuis une éternité, et à défaut de faire mieux avec moins, il y avait eu une conjonction extraordinaire et tacite pour ne plus faire tout court dans ce domaine et ce afin de pourvoir à tout le reste.

    Les deux enquêteurs avaient le triomphe amer, la piste suivie était la bonne mais l’ampleur des dégâts les attrista. L’empathie du détective ou les valeurs du service public, un peu des deux sans doute, les amenèrent à partager la tristesse de leurs interlocuteurs et à envoyer un rapport d’enquête salé, bien que tout ce qu’il y a de plus conforme aux notes administratives, aux plus hautes autorités du pays. Ce qu’est devenu ce rapport, personne ne le sait véritablement, pas même les deux enquêteurs qui depuis lors se sont associés pour monter une officine de détectives privées.

    Ce que l’on sait en revanche, c’est que l’année qui a suivi le départ à la retraite du dernier agent du contrôle de légalité de la sous-préfecture qui ne s’était pas illuminée, le champagne a coulé à flot au ministère : la maturité de la décentralisation avait été enfin atteinte, la totalité des points lumineux  sur le programme du ministère brillaient de mille feux…