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Eloge d'une belle ambition de vie, l'autre

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altérité, ethique, charlie hebdo, macron, je suis charlieC’est quoi une vie réussie ? C’est quoi l’ambition d’une vie ? Emmanuel Macron rêvait la semaine dernière d’une société où les jeunes rêveraient d’être milliardaire. Les propos étaient scandaleux, l’actualité tragique les a rendus encore plus pathétiques. Le rêve du petit Emmanuel Macron n’est pas celui de la majorité, et fort heureusement pour la société. Il y a bien quelques-uns qui rêvent d’être martyrs ou célèbres, ou les deux et ils sont tout aussi pathétiques. Et dangereux. Et puis, il y a des rêves moins ambitieux mais plus difficiles à porter au quotidien, des rêves qui demandent une éthique dont les personnages à la sauce Macron sont privés et bien souvent incapables. Ce rêve, ce n’est pas d’accumuler, c’est plus banalement de rendre le monde moins moche, d’essayer de construire une société plus juste, plus équitable, aimer les siens, aimer les autres, et combattre sans relâche tout ce qui mine cette construction complexe et fragile qui est de faire de l’humanité un endroit où l’homme n’est pas un loup pour l’homme, et plus précisément, un monde dans lequel quelques poignées qui se prennent pour des loups décrètent qui sont les agneaux.

 

 

altérité, ethique, charlie hebdo, macron, je suis charlieJouer avec les autres est facile, les utiliser comme des pions est aisé, d’autant mieux si l’empathie et la conscience de l’autre sont des qualités que l’on se fait un devoir de ne pas cultiver. En revanche, empêcher l’asservissement de l’individu, de groupes d’individus, en posant comme principe inaliénable l’égalité et la liberté de tout un chacun, c’est un combat de tous les jours, avec son lot de grandes batailles et de petites escarmouches, de défaites et de victoires, de périodes de convictions inébranlables et d’instants de découragements où l’on se demande si au final ce n’est pas un combat perdu d’avance. Nous sommes humains, nos défauts, notre égoïsme, le contexte, l’état du moment nous attendent toujours au tournant.

 

Ne pas faire de mal à l’autre, c’est le premier stade. Donner sa vie pour les autres, c’est le haut du panier. Entre les deux, il y a vous et moi. Sans appétence particulière pour le pouvoir et ses attributs, aimant seulement l’argent pour qu’il procure le nécessaire et un poil de superflu mais sans plus, mais à tout un chacun, aimant à partager une bonne bouffe avec des amis, des proches, mais aussi des inconnus, aller à la rencontre de l’autre. C’est déjà un tout aussi vaste programme qu’un mort aux cons. C’est peut-être même le seul programme efficace. Se donner une loi commune où personne ne s’impose à l’autre, si ce n’est par la volonté libre et collective, avec possibilité de dénoncer le contrat et d’en passer un nouveau.          

 

C’est un exercice difficile. La facilité nous amène à la paresse intellectuelle et rapidement à la faute éthique : s’arranger un peu tant que ça ne se voit pas. Mais c’est comme tomber dans une boite de friandise, avant même de s’en rendre compte, on est cuit et on y passe tout le paquet et il est trop tard. Le côté obscur a toujours un petit goût sucré et acidulé au départ, c’est d’ailleurs pour cela qu’on n’y prête pas attention. Maître Yoda n’aurait pas dit autre chose. Et il y a les autres, ceux qui contestent une vision de la société où la vérité est ailleurs, c’est-à-dire nulle part, ceux qui, justement, sont persuadés de la détenir cette vérité, qu’il faut dominer pour imposer. Vous me direz mais toi, chroniqueur, tu nous bassines avec la tienne depuis le début. C’est pas faux, mais c’est un raccourci que je ne t’invite pas à prendre lecteur. Je porte, comme chacun, une vision de la société que je partage volontiers, pour laquelle j’espère persuader le plus grand nombre mais qui n’est pas l’essence de la vie en commun. C’est plus subtil. Presque religieux. En version athée pour ma pomme : aime et respecte ton prochain. C’est après que ça diverge avec les intégristes (en matière religieuse ou d’organisation de la société) qui veulent imposer ce qui leur semble être la vérité d’une organisation des choses de ce bas-monde.  C’est pourquoi la laïcité est si importante, tu peux penser ce que tu veux, je n’ai pas à m’y immiscer mais ne m’impose rien, n’impose rien aux autres. D’ailleurs je t’autorise à penser tout le mal que tu penses de moi comme je m’autorise à assurer la réciproque, même si ça te heurte, même si ça me fait mal au cul. Santé, trinquons, la vie est belle et la loi du talion à la poubelle.

 

Il faut défendre avec fermeté ces fondements que sont la liberté et l’égale dignité de tout un chacun, le respect de l’intégrité et de la valeur de la vie humaine. C’est l’altérité, le rapport à l’autre. Ceux de Charlie, les policiers assassinés mercredi, chacun dans leur domaine, sans recherche de la réussite matérielle outrageante, sans rechercher un pouvoir sur l’autre, portaient cette éthique à des degrés divers. C’était le sens du dernier édito de Bernard Maris dans Charlie Hebdo. Renvoyer la volonté de domination dans la boite de Pandore qu’elle n’aurait jamais dû quitter par la promotion d’une éthique de l’altérité.

 

Si certains pensent que réussir une vie, c’est de devenir milliardaire, soit. Mais pour ma part, je rêve d’une société où l’ambition d’une vie c’est de se tenir à quelques principes pour faire de ce monde d’ici-bas autre chose qu’un enfer, en somme, un endroit où tout individu aurait sa juste part du jardin d’Eden.

 

 

 

Je dédie cette chronique à la mémoire de Nicolas Bory bien trop récemment disparu. Cette éthique, il la portait. Elle lui a permis de pouvoir gouter et faire gouter aux autres une saveur de paradis d’une belle vie. A Quimper, il fait 12°C, il pleut mais au prochain rayon de soleil, j'y verrais ton sourire d'adolescent.

 

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