Passées la tragédie, l’émotion, et avant que les vautours ne récupèrent les évènements pour cristalliser les peurs et faire l’union des uns contre les autres (ce qu’ils font déjà allégrement), il faut comprendre pour apporter une ou des réponses, pour que l’horreur ne se reproduise pas, pour que le pays ne se replie pas sur lui-même.
Qu’est ce qui amène un être humain à se transformer en un fanatique capable de tuer de sang-froid puis de provoquer l’assaut qui le tuera ? Qu’est ce qui amène un être humain à penser que la valeur d’une vie est nulle ?
La première des choses, c’est de ne pas être naïf : l’état du monde est tel que la question de la lutte contre le terrorisme va faire partie de notre quotidien pour de nombreuses années. Le terrorisme, cette technique qui vise à établir le règne de la terreur pour anesthésier une population et la dominer par la peur est là, omniprésente.
C’est dans l'analyse, et la réponse, à ce phénomène que la possibilité d’en sortir ou pas se trouve.
Nous avons des exemples qui nous permettent de savoir déjà où nous ne devons pas aller, et d’autres, au contraire, qui devraient nous inspirer.
La réponse américaine aux attentats du 11 septembre a été celle de la vengeance au travers de l’objectif de traquer les terroristes, pas de chercher à enrayer la machine à le reproduire. Triste bilan, le monde post 11 septembre est à feu et à sang. Comme l’Hydre, les têtes coupées repoussent plus nombreuses car le fond du problème n’est pas réglé.
A l’autre extrémité, il y a la réponse des norvégiens à la tuerie d’Utoya : faire front et répondre par plus de démocratie.
En somme, tomber dans le piège tendu par les terroristes ou les ramener à leur place en disant, même pas mal, mieux, nous sommes plus forts que vous, plus forts qu’avant.
Il y a surtout la nécessité de couper l’herbe sous le pied aux recruteurs des fanatismes de ce monde.
Et force est de constater que le djihadisme moderne n’est pas éloigné des totalitarismes de l’entre-deux guerres.
Comme les nazis en leur temps, il recrute auprès d’individus en état de faiblesse(s). En perte de repères, accompagnés d’horizons bouchés, de perspectives invisibles, de sentiments d’inexistence. Du pain béni pour les manipulateurs et idéologues de mauvais augure. Ils repèrent leur proie, l’entourent d’une douce chaleur, la reprogramment en lui donnant un cadre, une lecture de l’histoire et un sens à donner à une vie, y compris sa valeur et la possibilité d’y mettre fin comme une fin en soi. Il y a plus de rationalité qu’on imagine dans la terreur.
Si l’éducation est un rempart, l’histoire nous enseigne aussi qu’elle n’est pas tout s’il n’y a pas de perspectives pour un individu. A quoi bon avoir un bac + 5 s’il ne vous permet pas de vous insérer dans la société, et que l’image que cette dernière vous renvoie est celle d’un loser, d’un étranger. Mais l’éducation n’en constitue pas moins un préalable à la construction d’un vivre ensemble et de la poursuite d’un bien commun.
Il y a, avant tout, au cœur de la lutte contre le terrorisme à ses racines, le but que se donne une société et les valeurs et les moyens dont elle se dote pour le réaliser. Ne laisser personne au bord de la route. Le terrorisme qui nous frappe aujourd’hui est la preuve d’un échec dans la réalisation de cet objectif. Nous le savions, nous en avons l’illustration sanglante. C’est ce point qui est au cœur des combats à mener dans les mois, les années qui viennent. Pas une politique sécuritaire ou la tentation d’un patriot act. Pas une politique de repli à la sauce Marine Le Pen. Non, plus simplement et plus difficilement, faire de notre société un endroit où tout un chacun trouve sa place, sans avoir le sentiment d’être exclu ou d’être opprimé.
C’est par le dialogue et l’engagement qu’il faut commencer. Si les gens se sont réunis si nombreux, c’est aussi parce qu’ils sentent cette nécessité. De mettre des mots sur nos maux, de regarder nos défaillances pour apporter une ou des solutions. Nous avons dans nos bagages quelques beaux principes sur lesquels nous appuyer : l’égale dignité de la personne humaine, la solidarité, la fraternité, la liberté et la laïcité.
Il est urgent de se mettre au travail, avant que le soufflet ne retombe et que les événements des 7 et 9 janvier 2015 ne deviennent pas seulement un objet de commémoration, une date au milieu d’autres dates.
Et après ? Et après, c’est un début. A nous d’en écrire l’histoire.
Commentaires
encore faut il que ces beaux principes soient appliqués dans sa propre vie d'une journée de 24 h ! de belles paroles de bobos écritent sur du papier avec une encre effaçable ...