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haine

  • Le prix du sang...

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    commemoration, 14/18, sang, haineLes commémorations sur le centenaire des débuts de la Grande guerre se succèdent à un rythme effréné, tentative désespérée de faire revivre ces instants pour essayer de comprendre ce que nous n’arrivons pas à saisir : Comment a-t-on pu décemment entrer dans un tel engrenage mortifère semble questionner chacun des reportages…

    Au fond, nous nous pensons bien plus malins que nos aïeux : nous ne tomberions pas dans le panneau comme ils ont pu le faire si bêtement…

    Commémorer, ce n’est pas que se souvenir,  c’est aussi mettre à distance. Nous ne vivrons plus cela et bien heureusement se répète-t-on.

    Comme si la guerre, l’horreur, la mort pouvaient être renvoyées dans le passé pour les conjurer.

    Pourtant, elles nous entourent : Gaza, la Syrie, l’Ukraine, aujourd’hui, le Rwanda, la Bosnie, et déjà, encore devrait on dire, la Palestine hier,  la liste est sans fin des conflits qui parsèment le monde.

    De la paix à la guerre il y a autant que du capitole à la roche tarpéienne et le vernis saute facilement qui fait passer l’Homme d’un état policé à un autre où la violence devient la norme.

    Parce que l’étincelle de la haine n’est jamais très loin et que le narcissisme des petites différences prend le dessus plus vite qu’on ne le souhaite et ne le croit.

    Il n’en faut pas beaucoup, si la garde est baissée, pour manipuler les uns et les autres et faire accroire que le méchant, le pas gentil, la brute, le pas comme nous, c’est l’autre.

    Par paresse de l’esprit, par facilité de pensée, la mayonnaise peut prendre très vite : la cause de tous nos malheurs résident essentiellement dans la victime expiatoire que l’opinion, cette salope informe créé de toute pièce par quelque tireur de ficelle bien planqué, va désigner à la vindicte populaire, pour mieux détourner l’attention.  C’est utile de détourner l’attention… C’est vieux comme le monde de détourner l’attention… ça s’utilise encore de nos jours et il y a fort à parier que dans le manuel du parfait manipulateur, ce chapitre tienne bonne place.

    L’ennemi peut être intérieur, extérieur, extérieur en agissant de l’intérieur, intérieur en agissant de l’extérieur (mais c’est déjà plus rare).

    Tour à tour le rosbif, le juif, l’athée, le boche, l’africain, le musulman, le chrétien, le rom, le manouche, le vieux, le jeune, bref, les catégories construites, endossent le costume que leur font porter ceux qui sont en mal d’explications de leurs propres limites et faiblesses.

    Une constante, il faut que l’ennemi menace, même s’il est invisible. Ce qui est encore mieux, pour laisser place à la caricature. Manquerait plus que l’ennemi réponde et puisse convaincre qu’il n’est pas ce qu’il est.

    Devant la photo de l’ennemi désigné, c’est pavlovien, le rictus de dégoût précède la montée de salive qui se termine par un crachat bien ajusté…

    L’ennemi c’est l’autre. Il est un être vil mais pire, il est lui-même persuadé que l’ennemi c’est nous…

    De fil en aiguille, l’odeur du sang vient taquiner les narines du quidam jusqu’à ce que le premier mort soit comptabilisé. Celui dont on retient le nom. Les autres deviennent une triste statistique. Le nom de la dernière victime entre également dans l’histoire. Il y a des postérités bizarres.

    L’odeur du sang est toujours accompagnée d’une odeur de merde. La mort pue, c’est ainsi… Comme la naissance. De vie à trépas, c’est la recherche du camouflage des odeurs.

    Pourtant l’être humain a une capacité de changement et d’adaptation qui laisse pantois. Comme les poilus des premiers jours, il a le palais délicat et la narine fragile. Il a des hauts le cœur, il tourne de l’œil, il vomit… Puis il s’habitue. Il n’aime pas, certes, mais il découvre que son seuil de tolérance n’est pas fixe…

    Dans une société aseptisée, où l’idée de mort n’est abordée que par la fiction au cinéma, dans la littérature et les jeux vidéo, pour moins l’incarner, la mettre à distance, la condition ordinaire de l’humanité est parfois oubliée. Telle qu’elle est vendue aujourd’hui, la guerre est chirurgicale, propre.

    La réalité est plus crue. Elle n’est pas une image en noir et blanc ou un film colorisé.

    C’est peut être ce qu’il faut retenir de la guerre 14-18, qui nous semble si lointaine : la fragilité de la paix, la fragilité de la vie. Hier voisins, aujourd’hui ennemis, à la vie, à la mort.

    Sous couvert de réconciliation, la responsabilité des élites de cette époque est éludée. C’est la faute à pas de chance. L’engrenage. La force supérieure…

    Pas tout à fait, il y a l’irresponsabilité de quelques uns qui disposent de la vie des autres sans avoir à entrer dans l’arène. Ils n’ont pas disparu. Il faut le rappeler et les pointer du doigt. Que cela serve de leçon aux générations présentes et futures. Pour les démasquer assez tôt.

    Le vivre ensemble est une construction de tous les instants. La valeur d’une vie humaine est incommensurable. S’il est un combat qui est noble, une guerre utile, c’est celui de la construction de la paix et de la préservation de la vie. Le prix du sang est trop élevé pour oublier que nous ne sommes ni meilleurs ni pires que le voisin. En fait, on se ressemble étrangement… Ne l’oublions jamais quand l’envie d’insulter l’autre nous prend : les bains de sang commencent toujours dans le détail et les petits mots… Demandez à des palestiniens, à des israéliens, des ukrainiens, des russes : le prix du sang est insidieux…

  • La boite de pandore ou ce que nous pourrions écrire dans quelques années (ou mois ou jours)…

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    C’est presque trop tard. Il va être difficile de revenir en arrière, d’un seul coup d’un seul. Les mots ont dérapé. La boite de Pandore est ouverte, elle ne se refermera pas de sitôt. La peur, le rejet de l’autre, la lâcheté, la dénonciation se sont installés dans les esprits. Quelques-uns ont bien tenté de nager à contre courant, jouant les cassandres pour avertir des dangers qui guettaient la société si celle-ci laissait passer les mots de la haine. Mais les temps n’étaient pas propices à un tel discours.

     La fin de la repentance, la liberté de parole étaient revendiquées en reprenant pour mieux le détourner un vieux slogan libertaire, il est interdit d’interdire, du moins en paroles. Le verbe décomplexé qu’ils disaient.

    Cette libération de la parole a aujourd’hui un coût exorbitant, plus personne n’ose parler. Le silence est devenu la meilleure des protections. Sauf à répéter le discours officiel, qui donne du monde une explication simpliste, où aucun n’est responsable mais l’autre est toujours coupable. Cette doxa passe en boucle, martelée en tous lieux et tous temps, amplifiant encore un peu plus la chape de plomb qui s’est installée sur le pays.

    Pour être honnête, le mécanisme est plus insidieux. La chape de plomb ressemble plus à un abrutissement général généré par une production destinée à rendre le genre humain plus con qu’il ne peut être, à lui ôter tout esprit critique. Du pain et des jeux dans une version moderne. C’est dans les jeux que les élites maitrisent le mieux leur sujet. Du sport, de la téléréalité, du rêve en boite statistiquement dosé pour donner à penser que la chance existe. Et si par malheur la conscience se réveille, parce que la soupe est rare ou que l’esprit se rebelle, quelques documentaires bien dosés stigmatisent tels ou tels individus pour exciter la haine qui s’effrite. Un jour le pas pareil est un voleur de poules, le lendemain une horde conquérante à l’assaut des verts pâturages, avec un trait commun, c’est toujours lui est qui la mère de tous les échecs et les ratés. En élargissant le cercle des montrés du doigt au gré des besoins de la propagande et du stock disponible de métèques et autres pas comme les autres que les chefs.

    Des images, des reportages, du lavage de cerveau il en faut des quantités extraordinaires. Une production industrielle confiée à quelques producteurs et scénaristes trop contents de percer alors que le tampon estampillé raté aurait du les marquer autrement.

    Ce n’est jamais un personnage seul qui fait l’Histoire, il a besoin d’alliés, d’une armée qui tente un pari sur un cheval en espérant ramasser la mise en cas de succès. Le parti de la haine est un aimant pour tous ceux qui considèrent, à tort ou à raison, que la vie ne leur a pas octroyé le juste du qu’ils méritaient. Et qu’ils méritent un retour sur investissement.

     Le discours simpliste est fait pour eux. L’explication des difficultés individuelles, par le seul fait d’un bouc émissaire, permet de détourner l’attention sur la complexité et la myriade de raisons qui font qu’un destin est ce qu’il est en omettant de mentionner le ou les responsables réels. Parmi ceux qu’il aspire, le pari de la haine utilise des personnages qui justement pensaient pouvoir l’utiliser, s’en servir, tout en espérant le maitriser et le jeter aux orties le moment venu. Stratégie naïve, la créature s’échappe toujours des mains de son maitre, et le plus souvent se retourne contre son créateur. Une fois lancée dans la nature elle vit sa propre existence. Celui qui stigmatise peut devenir à son tour le stigmatisé.

    Une partie de l’élite se fourvoie en dépit des leçons de l’histoire. A force de se croire unique, on en oublie qu’on reste humain. Avec ses limites et sans maitriser réellement ce que l’on manipule. L’intelligence n’est pas inversement proportionnelle à la connerie. Au contraire, elle rend cette dernière plus dangereuse, parce qu’elle lui ouvre des horizons insoupçonnées.

    Ces horizons, c’est le contenu de boite de pandore qui est ouverte. Celle de toutes les lâchetés humaines, de ce que l’âme a de plus sombre. L’absence de responsabilité et d’empathie à l’égard de l’autre, la haine, l’irresponsabilité individuelle, la négation de la personnalité de celui qui n’est pas ce qu’il voudrait qu’il soit.

    Forcément, on pense se sentir mieux ainsi. Le monde est plus simple à expliquer. Les instincts grégaires sont caressés dans le sens du poil et en appartenant à cette majorité braillarde, l’individu ressent le parfum agréable bien que très artificiel d’être de ceux qui ont raison. En propulsant le parti de la haine, ils en sont un peu les participants de son succès.

    Ce qu’ils savent moins, c’est que le premier cercle des dirigeants de l’empire du mal s’en fout comme de sa première chemise du péquin qui vote pour lui. Il en a besoin pour prendre ou conserver le pouvoir. Pour le reste, c’est comme un mouchoir en papier, après utilisation et perte de l’utilité, on jette. Seules la force de travail et la qualité de consommateur importent. Une fois le poison diffusé dans le corps social, une fois que l’électorat s’est jeté dans les bras tentaculaires de la peste brune, les nouveaux gouvernants prennent rapidement leur distance avec le système électif qui les a portés au pouvoir, pour le conserver. Pas forcément une dictature qui porte son nom, mais un éventail de techniques permettant de garder la haute main sur la victoire électoral. Après tout, l’Iran, la Chine et la Tunisie sous Ben Ali connaissent ou connaissaient la fièvre des soirées électorales. Il est seulement nécessaire de maitriser qui se présente, qui vote et surtout qui compte et proclame les résultats. Ça peut même faire plaisir à l’égo de voir son nom affiché avec un score de 80 % de suffrages en sa faveur. Qui n’a pas enfant, rêvé d’être acclamé au sein de la cour, même au prix de quelques clés de bras bien intentionnés, pour rappeler qui est le bon candidat. Bon d’accord, ni moi, ni vous, mais l’amicale des dictateurs et autres fachos démontrent que ce cas n’est pas si rare.

    La boite est ouverte, les maux se sont échappés. Il sera plus long de les rattraper que de les relâcher dans la nature. Le vivre ensemble c’est une construction patiente, quotidienne. La haine, c’est une facilité. Dans une société où tout doit répondre au claquement de doigts, la facilité est reine. Détrônons-là, abattons son régime. Pour refermer la boîte.