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  • Chronique d'un néo-breton, épisode 13 : du pluralisme de la presse en terre bretonne...

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    Le néo-breton veut s’intégrer, comme il se doit, dans sa nouvelle terre d’adoption. Et ce chemin passe par l’information. Comprendre et être au courant sont les deux mamelles indispensables pour tenter de se fondre dans le costume de l’autochtone. Ce qui va faire plonger le chroniqueur dans la découverte ou plus précisément la redécouverte de ce trésor de la province, la presse quotidienne régionale, la PQR pour les intimes. Souvent moquée, à tort ou à raison par le parisien et le lecteur de la presse nationale, cette PQR constitue pourtant le point névralgique de la société locale. A la décharge des pourfendeurs de la presse de proximité, le premier contact avec un tel canard ne manque pas de déconcerter le lecteur.

     

    La première page présente un mélange improbable entre "une" sur la dernière catastrophe nationale ou mondiale, annonce d’un reportage sur la foire aux bestiaux du jour et publicité vantant les promos exceptionnelles de l’hyper du coin. La plongée dans les pages intérieures peut donner le tournis : de l’international, vous glissez à pas forcés dans le très très local en vous arrêtant successivement sur les pages France, Région, Département, Sous-Préfecture, Arrondissements, Cantons, Communes et pour finir sur l’actualité croustillante du bourg. Sans oublier les annonces nécrologiques, sur lesquelles se jettent allégrement certains pour ne pas louper l’enterrement du jour.

     

    De la crise économique au compte-rendu de la dernière assemblée générale du club des brodeuses, le panorama de l’information ne saurait être plus complet. L’œil snob y verra un monument kitsch, de méchantes langues diront que le plouc prend ses quartiers dans ces pages mais le regard attentif, et bienveillant, apercevra, pour sa part, un échange social permanent. Du menu des enfants à la cantine à l’annonce de la petite brocante du club de bridge, le lien social se construit derrière toutes ces lignes. Le romancier trouvera lui la matière première d’histoires invraisemblables : les comptes-rendus d’audience des tribunaux du coin constituent une mine d’or qui fait dire que la réalité dépasse presque toujours la fiction. Tous les moindres petits faits se trouvent consignés et diffusés dans ces chroniques quotidiennes que constituent les pages locales. Les groupes d’influence, les partis politiques, tout le monde sait comment utiliser au mieux cette tribune si efficace.

     

    Spécificité bretonne, la page économique comporte le cours des marchés agricoles (du coco de Paimpol au prix du veau en passant par le cours du porc) et le retour au port, et donc à la criée, des marins-pêcheurs. Autre particularité de la presse atlantique, les horaires et coefficients de marée, que l’on apprend rapidement à consulter.

     

    Devant cette richesse journalistique, le néo-breton va se trouver face à un choix cornélien : il n’y a pas un titre de PQR dans sa ville, mais bien deux : Ouest-France ou le Télégramme. La compétition va être rude pour départager les deux canards, dont l’auteur n’a pas saisi les subtilités dans une version informative du jeu des sept erreurs, de prime abord s’entend. Mais la lecture attentive des articles, et plus surement des éditoriaux, donne quelques clés de compréhension. Et en Bretagne, terre des pardons, la religion est une ligne de fracture qui se ressent autant que d’autres plus modernes. Ainsi Ouest-France penche du côté du goupillon alors que le Télégramme porte une tradition laïcarde héritée d’un radicalisme à la mode chouchen. Ouest-France tirerait à tribord et le Télégramme à bâbord. C’est plus ou moins vrai, mais les lignes sont parfois troubles : le fond démocrate-chrétien de l’un peut l’amener à prendre des positions fortes pour les droits de la personne humaine alors que le côté populaire de l’autre peut le faire glisser dans le sensationnalisme, à la frontière du populisme.

     

    Mais une chose est réelle, les deux titres se livrent une guerre des rédactions pour être le premier et le meilleur sur l’actualité locale et à ce titre, le grand gagnant est le lecteur : rien n’échappe à l’œil des journalistes, qui sont largement sollicités par qui veut faire du buzz.

     

    Mais me direz-vous, comment choisir : c’est simple, lisez les deux, arrangez vous avec un voisin, chacun s’abonne à un titre et le tour est joué. Vous pouvez également opter pour le café au comptoir, vous aurez les deux pour le prix d’un.

    Et là, c’est sur, impossible de rater le prochain championnat du monde du cracher de bigorneau. Ce qui serait vraiment moche…