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Chronique d'un néo-breton, épisode 2

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Rappelez-vous, dans le premier épisode le parisien n’en pouvait plus de la Capitale et  avait besoin de changement sans avoir les moyens d’avoir un grand appartement sur les Champs-Elysées. Trois solutions s’offre à lui : la proche banlieue pas chère, le pavillon aux confins de la région ou l’expatriation en province.

La première solution, pour séduisante qu’elle soit, présente quelques inconvénients : les écoles pour les enfants n’ont pas bonne réputation, les transports ne sont pas légions et ils sont vite bondés, au point de vous faire ressembler à une sardine en boîte en moins de deux, les tours et le béton amènent à la dépression, et puis aider les pauvres d’accord, mais vivre avec c’est autre chose…

Pour ce qui est du pavillon avec jardin à Trifouillis Les Oies, comme ça sur le papier, ça semble déjà plus bucolique et attirant. De la surface habitable à ne plus savoir qu’en faire, un jardin pour les enfants, les grillades, pour les amateurs un chien, le tout pour le prix d’un F2 en proche banlieue de Paris. Mais très vite le carrosse se transforme en citrouille : le néo-rural se rend compte qu’il n’y a pas un boulot à moins d’une heure de voiture, il devra continuer à rejoindre Paris chaque matin, en voiture ou en transport. Et dans les deux cas, l’enfer s’ouvre sur la route de sa nouvelle vie.

Avec la voiture, l’embouteillage et le prix du carburant auront rapidement raison de l’enthousiasme primaire qui animait l’heureux propriétaire de ce si charmant pavillon avec jardin. Il part lorsque le jour n’est pas encore levé et il rentre, en particulier lors de ces longs mois d’hiver, dans une sombre et glaciale atmosphère.

Son jardin, il ne le voit que le weekend pour constater que la région parisienne, en dehors des limites de l’A86, c’est finalement très humide. Et durant les beaux jours il apprendra vite que c’est ensoleillé mais humide et que 1 000 m² de terrain à tondre, il aurait du y songer bien avant de sauter de joie naïvement à l’idée d’un retour à la terre. Quant au chien à sortir deux fois par jour, par tous les temps, cela devient rapidement la corvée sauf à le laisser divaguer dans les mille mètres carrés de jardin, constellant la pelouse d’un terreau naturel qui parait il lui portera chance s’il marche dessus.

Au demeurant, ce qu’il a gagné en surface et en loyer, il le passe dans le réservoir de ses automobiles. Il est des jours où le banlieusard à quatre roues des fin fonds de la steppe envierait presque le banlieusard des transports. Sans savoir que celui-ci souffre aussi. Tout autant que lui. 
Le parisien est particulièrement fier de son réseau de transport. Le métro, les bus, le vélib’, un système complexe qui permet de se passer de voiture. A condition de vivre à Paris, et de ne pas dépasser le périph’. Mais le parisien est casanier, il dépasse rarement la limite qui le fait passer hors du monde civilisé de la capitale, si ce n’est pour rejoindre la Bretagne, la Normandie ou le Sud-est pour le week-end. Quel choc pour lui de se retrouver dans un train de banlieue, un RER et de découvrir la folie des transports en commun. D’abord, rejoindre la plus proche gare : 10 kilomètres pour les plus chanceux. La voiture est donc encore de rigueur. Chaque train passant toutes les demi-heures au minimum, il sera fortement déconseillé de trainer plus qu’il ne faut le matin, après avoir sorti le chien, bien entendu. Avec de la chance, le train de 6h20 sera à l’heure (le réveil est matinal à la campagne) et déversera sa horde de travailleur une heure plus tard dans l’une des quatre gares qui font la fierté du parisien sur l’habitant de province, quatre gares terminus, le cœur de l’étoile ferroviaire part et se termine dans la capitale.

De la gare, le grand banlieusard, non par sa taille mais par la distance qui le sépare de Paris, le grand banlieusard disions nous devra le plus souvent se faire une petite demi-heure de métro, bus ou autre pour rejoindre son entreprise. Il est 8h15, 8h30, le voilà prêt à attaquer sa journée. Déjà fatigué. C’est pour cela qu’il boit trop de café. Pour pester avec les collègues contre le prix de l’essence et les transports trop longs. Après sa journée, chemin inverse, il n’arrive chez lui que vers 19 heures, à condition que le grain de sable ne se soit introduit dans cette mécanique bien huilée. Qu’est ce que le grain de sable ? Le diable dans le détail. Le mauvais temps, la grève, la panne de réseau, les feuilles d’automne sur les voies, l’accident de personne sur le trajet (euphémisme pour l’individu s’étant jeté sous un train)…

Pareil à une fourmilière désorganisée par le coup de pied du petit d’homme diabolique, la horde des grands banlieusards se retrouve prises d’effroi. Le retard pointe le bout de son nez moqueur. Que ce soit le matin ou le soir, un seul mot d’ordre : panique à bord. Au début de la journée, l’urgence sera de prévenir l’employeur de son arrivée tardive tout en se préparant à affronter son regard réprobateur et menaçant. Le soir, il faudra annoncer piteusement à la baby-sitter qu’elle ne pourra pas partir avant 21 heures, comme un jour sur deux à vrai dire, vos enfants vous en voudront, et de ne pas être plus présent, et de les avoir amené dans ce trou paumé quand viendra le temps de l'adolescence...

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