Leurs têtes sont partout, les bribes de discours et de petites phrases se succèdent dans un tourbillon de déclarations indigestes. Avec celle des signatures, la chasse aux voix est ouverte, l’électeur se demande bien où donner de la tête, qui croire, même si certains sont plus crédibles que d’autres.
Si le scrutin n’est pas pour tout de suite, il est important de se construire une opinion par soi-même autrement que par la lecture des sondages, dont nous abreuvent les médias, et les raccourcis, que l’on entend sur les marchés ou encore au café du commerce.
Mission difficile mais néanmoins possible. Se couper du cirque en place pour prendre le recul nécessaire à la réflexion, être volontaire dans sa volonté de discussion avec les uns et les autres des candidats. Et le tout dans la joie, la bonne humeur, l’humour et en le plaçant sous le signe de l’étude sociologique. Si, c’est possible.
Premier acte, allez aux marchés. Faites le plein des programmes. Vous verrez, vous n’aurez qu’à tendre la main et sur vingt mètres vous les aurez tous.
Revenez chez vous, posez-vous tranquillement, lisez consciencieusement, prenez des notes. Préparez des questions, consultez le détail des programmes sur les sites, voyez le parcours des candidats, qui les entoure (c’est important l’entourage, ceux qui financent, ceux qui alimentent en idées…, c’est le programme réel des candidats le plus souvent qui apparaîtra par cette lecture).
Ne lisez aucun éditorial ou alors lisez les tous, pour ne pas être influencé dans le premier cas, pour relativiser les propos dans le deuxième.
Retournez au marché avec vos questions. Vous n’aurez peut-être pas de réponse, mais vous passerez un agréable moment à mettre sur le grill des militants qui distribuent des programmes qu’ils, pour certains, n’ont pas même pris le temps de lire. Je le répète, ce n’est pas la tendance générale mais le cas n’est pas isolé. En ce cas, vous faites une grande œuvre, vous faîtes réfléchir quelqu’un qui ne se pose pas de questions d’habitude, préférant répéter les poncifs des éditoriaux et la soupe qu’il a reçu de ci de là par des sergents instructeurs de parti.
Le militant va pédaler dans la semoule mais c’est pour son bien. La maïeutique est à l’œuvre. Il va devoir argumenter, chercher au fond de lui pourquoi il défend ce programme, tenter de vous convaincre. N’ayez aucune illusion, à ce moment, il vous déteste mais un jour, peut être dès le lendemain, il aura une pensée émue pour ce quidam qui l’a poussé dans ses retranchements pour lui ouvrir les yeux. Et cerise sur le gâteau, il sera peut être lui-même convaincu parce qu’il vous a dit…A défaut d’avoir trouvé le bon cheval, vous pourrez avoir la récompense de l’utilité…
Mais il n’y a pas que le militant sans discours et argumentaire que vous rencontrerez, loin s’en faut. Dans la jungle des marchés, des sorties de métro et de bureau, évolue de redoutables carnassiers qui sévissent. Des tribuns des rues, rompus à l’exercice de la persuasion, qui dès lors qu’ils engagent la conversion ne lâchent plus la proie qui, innocemment, a voulu bénéficier de deux trois éclairages sur le programme. Ou pire, qui ne demandait rien de tout cela. Ce Terminator du logiciel programmatique de son parti va tenter de retourner le cerveau du pauvre individu, en ne lui laissant pas le temps de respirer, provoquant une asphyxie cérébrale propre à introduire le doute dans l’esprit de l’électeur potentiel. Des stats, des assertions, du storytelling, des anecdotes, des questions fermées, son arsenal est impressionnant. Il en connaît autant, si ce n’est plus sur les adversaires de son poulain que sur son poulain lui-même. Ainsi, il démonte patiemment les autres programmes pour vous placer son produit. Il en appelle aux grandes valeurs, aux grands hommes. Vous baissez la garde, vous pourriez être conquis…mais…mais…il a un talon d’Achille… L’homme est trop bavard, trop sur de lui, et finalement, il déplaît, déclenche un rejet. De l’empathie à l’inimitié il n’y a qu’un pas avec ce genre de personnage et l’aversion qu’il provoque bientôt jette un voile sombre sur le programme de son candidat. Il a perdu la partie, il est esseulé et finalement peu productif. A tenter de convaincre une personne pendant une demi-heure, des dizaines d’individus lui sont passés sous le nez sans qu’il ait distribué le moindre tract…
Entre les deux personnages décrits, vous allez rencontrer une palette aussi diverse qu’improbable de soutiers des candidats et des partis politiques. Un point commun pourtant : il faut une certaine forme de courage pour afficher ses convictions et tenter de les faire partager. Porter des programmes et des candidats dont vous ne tirerez aucun bénéfice immédiat. Admettre la possibilité de la défaite. Il est plus facile de rester dans son coin et de critiquer tout le monde et tirer à vue. On n’est jamais perdant. Mais une chose est certaine, dans cette posture là, on ne sort jamais gagnant…
Commentaires
Du profond de ma Lozère je vais répondre à votre savoureux article, si vous le permettez.
D'abord, bravo pour votre autocritique finale, un délice.
Ensuite, je suis tout à fait d'accord avec vous: nous avons, bien du mal à maîtriser autant que nous le voudrions le programme du candidat dans tous ses détails techniques et c'est bien dommage. Par contre, pour ne citer que mon cas personnel, je peux affirmer qu'il n'y a pas, au front de gauche (en tout cas en Lozère) d'"atelier de formatage" où on nous inculque ce que nous devons dire sur tel ou tel point...Mais il ne s'agit là que de mon expérience personnelle et je ne voudrais pas faire de généralités.
Continuez à sensibiliser les gens ainsi à la politique, c'est sain!