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Et maintenant, que vais-je faire….

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attentats,paris,daesh,maintenant,terrorismeLes loups sont une nouvelle fois entrés dans Paris. Les attentats du 13 novembre, inédits par leur ampleur et par leurs méthodes, vont nous conduire à des réflexions et des actions difficiles, contradictoires, sinueuses. Depuis vendredi, le questionnement est là, après la stupéfaction. Que vais-je faire, qu’allons-nous faire ?

Le piège tendu par les terroristes est simple, grossier, sanglant mais efficace : tenter d’instaurer la peur, la haine, au cœur de nos vies. C’est tout un chacun qui est visé. N’importe où, n’importe quand, pendant des instants de bonheur : un match de foot, un concert, un vendredi soir au restaurant. Les cibles sont moins arbitraires qu’on ne le pense, elles disent tout du projet totalitaire des intégristes religieux de Daesh, réfuter toute idée, toute action, toute vie, différentes à leur précepte. La meilleure réponse à apporter c’est vivre. Écouter de la musique, créer, boire à une terrasse, aimer, rire, sourire, être ensemble, en un mot se vautrer un peu plus dans la culture, le plaisir et l’ouverture sur l’autre! Car céder à la peur, à laquelle les terroristes et leurs commanditaires souhaitent nous conduire, ce serait offrir une victoire sur un plateau à Daesh et aux intégrismes de tous poils. Il n’y a pas d’irresponsabilité à lever la tête et regarder la bête dans les yeux. Elle est ailleurs, l’irresponsabilité, comme nous le verrons plus loin.

Le projet de Daesh, c’est aussi de mettre le conflit au cœur des sociétés visées : monter les personnes les unes contre les autres au prétexte de leurs sensibilités religieuses. Au fond, Daesh espère déclencher une vague d’islamophobie meurtrière pour justifier un djihad au cœur de l’Europe. Soyons plus fort qu’eux, faisons front commun, réaffirmons encore un peu plus en quoi la laïcité comme principe de constitution sociale et politique est une richesse, permet un vivre ensemble d’espérance et non une guerre de tous contre tous. Daesh espère que les français se jetteront dans les bras de l’extrême droite pour cristalliser un conflit, et cette dernière se frotte les mains : ne leur faisons pas le plaisir de rentrer dans leurs jeux.

Faire le procès du renseignement ne sera pas une porte de sortie pour exorciser notre incompréhension. Toute la lumière devra être faite certes, mais sauf à entrer dans un État policier, totalitaire, qui d’ailleurs n’empêche pas de tels événements, nous ne pourrons prévoir tout. La gestion de la menace terroriste a été, semble t’il, plutôt bonne : face à une foule de 80 000 spectateurs, les terroristes n’ont pas pu faire mieux que se faire sauter seuls. Les moyens supplémentaires alloués en janvier ont-ils été efficaces ? L’enquête nous le dira. Mais vouloir renforcer encore et toujours l’arsenal policier ne permettra pas de travailler sur le fond du problème. À savoir la lutte contre une forme de violence politique totalement asymétrique : le terroriste prêt à mourir à l’issue de sa mission est difficilement prévisible et contrôlable. Les suivis peuvent exister mais nous perdrions notre âme et ne vaudrions pas mieux que nos ennemis à entrer dans des logiques d’élimination préventive. Quand l’exception devient la règle, l’ADN d’une société est touché, et cette société s’oublie. Nous sommes les héritiers de Locke, des lumières et non de Hobbes. Nous devons combattre inlassablement le Léviathan autant que les intégrismes. L’État a aujourd’hui des moyens sur le renseignement, c’est plutôt sa stratégie à l’égard des phénomènes de radicalisation qui est à interroger.

C’est sur un autre terrain que nous pouvons peser. Mettre fin à l’irresponsabilité, la contradiction, l’hypocrisie qui consiste à faire affaire avec les financeurs du terrorisme, à vendre des armes en proclamant être des artisans de la paix, fermer les yeux quand la Turquie, sous prétexte de combattre Daesh traque les Kurdes, qui sont quasiment les seuls à combattre l’État islamique au sol.

Condamner et combattre le salafisme, le takfirisme, ce n’est pas insulter l’islam, c’est combattre une idéologie intégriste mortifère et totalitaire qui dévoie une religion.

La période qui s’ouvre va être intellectuellement difficile, dans un numéro d’équilibre qui sied difficilement aux aspects bovins et réducteurs des penseurs de notre temps. Nous allons nous retrouver face à de terribles dilemmes, à faire des choix entre la peste et le choléra. En Syrie et au Proche-Orient notamment. Il faudra faire des choix engageants, souvent courageux tout autant que pénibles. Arrêter le soutien, actif ou passif, aux régimes intégristes et théocratiques de la péninsule arabique, clarifier nos positionnement à l’égard d’Israël, se remettre à la table des négociations avec Poutine… Remettre les pieds dans cet orient compliqué en cherchant à l’analyser, comprendre les forces qui le sous-tendent pour apporter la meilleure réponse, dans le respect de nos valeurs et parmi celles-ci, la valeur de la vie humaine.

Notre monde est complexe, nous le redécouvrons par la force des choses. Rien ne sera simple. Rien ne sera facile. Mais toujours, il faut garder espoir, toujours il faut se rappeler les valeurs qui nous animent. C’est plus difficile que de se laisser aller à la haine et à la peur. Mais c’est la seule façon de vaincre. Et de vivre. Fluctuat nec mergitur.

 

Cédric Mauduit, nous nous sommes croisés par nos fonctions professionnelles, à Quimper notamment, où tu intervenais comme conseil sénior. La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était à Tours, pour le congrès de l’AFIGESE. Entre deux ateliers, tu me disais que le retour en Normandie, à la fonction publique territoriale, te permettait de retrouver un équilibre dans ta vie personnelle, en prenant plus de temps pour les tiens, tes deux enfants particulièrement. Que remettre les mains dans le cambouis faisait du bien après quelques années dans le conseil. Vendredi soir, tu étais au Bataclan. Je suis triste. Je ne céderai pas à la colère. Ce soir, j’écouterai les Rolling stones et David Bowie.

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