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Olympitié...

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jeux olympiques, triche, corruption, coubertin, lauriers, monde, Quelle surprise en allumant la télévision de découvrir qu’il y a encore du sport aux jeux olympiques. De vrais compétiteurs semblent concourir dans de véritables épreuves sportives. Il y aurait donc des athlètes allant plus vite que le sponsoring du défilé d’entreprises se joignant à la prétendue plus  grande fête planétaire, il y aurait des exploits plus hauts que ceux de la corruption dans l’attribution des jeux et dans les marchés publics de construction des installations, il faudrait voir plus loin que le dopage organisé pour glaner quelques médailles et faire la nique aux Etats ennemis, dans la plus pure tradition des jeux olympiques, antiques et modernes, forme sportive du prolongement de la diplomatie guerrière.

L’idéal olympique, qu’est-il ? Question difficile aux réponses multiples selon qui est interrogé. Les sportifs de haut-niveau y verront l’aboutissement d’une carrière, notamment dans des sports qui n’ont une visibilité planétaire que le temps d’un été, tous les quatre ans. Ils sont quelques milliers à poursuivre ce rêve, à titre individuel, collectif, avec ou sans arrière-pensées patriotiques. La rencontre de ces athlètes est le prétexte à l’organisation d’un évènement mondial, avec sa scène principale, le public, le décor et les coulisses.

L’idéal olympique, pour le public, ressemble à un déluge de contradictions. La performance, vibrer à l’unisson pour un exploit hors du commun participe de la magie des jeux olympiques, à n’en pas douter. L'épreuve reine, le 100 mètres, est ainsi l’occasion de vibrer devant les hommes les plus rapides du monde, dans une forme de communion mondiale que les soupçons de dopage et le dopage à grand échelle viennent à peine gâcher.  

L’idéal olympique peut être incarné également par une forme de fraternité mais s’appuie sur un soupçon de nationalisme, les seules bannières autorisées derrière le drapeau aux cinq anneaux olympiques étant celles des Etats reconnus par le CIO. La politique n’est jamais très loin derrière l’idéal olympique : la reconnaissance d’une communauté nationale peut commencer par une participation aux jeux ou au contraire être mise sous le boisseau sous la pression d’autres États. En 2016, la première participation du Kosovo ancre ainsi un peu plus cet État dans la communauté internationale, après des années de refus de l’intégrer au nombre des fédérations internationales, sous la pression des alliés et amis de la Serbie.

 La scène olympique est une tribune permettant la continuation des luttes étatiques, la preuve avec les boycotts successifs des jeux de Moscou puis ceux de Los Angeles par les frères ennemis de l’époque, USA et URSS, la course aux médailles entre la Chine, les Etats-Unis et la Russie de nos jours (avec une constante, le dopage d’Etat). Plus rarement, mais le CIO prévient toute tentative de réalisation et de répétitions de ces événèmenents, les athlètes portent un message politique, comme à Mexico en 1968. La flamme olympique brille alors de mille feux que les organisateurs éteignent au plus vite ou cachent comme ils le peuvent (Rio 2016 ne passe pas du tout auprès de l'opinion brésilienne qui a d'autres préoccupations plus triviales comme la survie, la lutte contre la corruption...).

Fraternité nous disions mais aussi rivalité, plus ou moins saine, entre les nations et les athlètes. Le public, ou du moins ce qu'en disent les médias, aime ces combats que les circonstances, et une belle narration journalistique répétée en boucle, permettent de faire vivre.

L’idéal olympique est un Potemkine qu’il est nécessaire d’entretenir par de belles histoires. Ça fait mouche, presque toujours, pour faire oublier l’énorme machine à fric que sont les plus grands événements sportifs internationaux. Dans le genre Potemkine, il y a également le choc des photos qui simplifient et tentent de résumer la complexité du monde en une image bisounours, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil aux jeux olympiques. Ainsi de la photo de la rencontre entre l’Égypte et l’Allemagne en Beach volley féminin, symbole présumé de coexistence pacifique entre le bikini et le burkini, sans voir que dans un certain nombre de pays, l’image de la joueuse allemande est floutée, pour nier son existence et qu’une femme ne peut tout simplement pas faire de sport, avec ou sans burkini.

L’idéal olympique, pour offrir son plein potentiel, doit permettre quelques sécrétions lacrymales, autrement dit, il faut faire pleurer dans les chaumières. Il y a toujours l’histoire d’un ou d’une athlète qui était au fond du trou il y a quelques années encore, et cette année c’est le réfugié syrien qui est mis en avant, et qui grâce à la magie du sport touche aujourd’hui de près le Graal du rêve olympique. Vous voyez, elle s’en est sorti, elle a accompli son rêve. Et c’est vrai, l’exemple est beau, parlant et il permet de faire oublier tout le reste : comment nous avons tous failli collectivement face au drame syrien et plus largement face à tous les conflits armés, à toutes les crises des réfugiés, à tous les noyés en méditerranée.

En 2020 à Tokyo, la belle histoire consistera t-elle à mettre en lumière le rescapé d’un massacre à venir que nous n’aurons pas empêché (le massacre) mais à qui (le rescapé) nous aurons donné une paire de baskets qui lui auront permis d’atteindre les minimas olympiques pour s’inscrire par exemple sur le marathon, sortez vos mouchoirs ou verra t’on un réfugié climatique que la rapide montée des eaux aura entraîné à nager le 4 X 100 mètres plus efficacement que dans une piscine qui n’existe tout simplement pas sur son île disparue ? Devant ces histoires, qui sont l’arbre qui cache la forêt des turpitudes de notre monde en général et du modèle économique olympique contemporain en particulier, la devise de Courbertin peut prendre un sens plus positif qu’appliquée à la gestion financière de l’évènement.

Côté coulisses, les jeux olympiques sont avant tout un business très lucratif. Le CIO, à l’instar de la FIFA et de nombreuses autres fédérations sportives mondiales, réside à l’ombre des doux alpages suisses, ente neutralité et secret bancaire du pays des Helvètes. L’attribution des jeux, ce n’est pas un mystère, est un savant dosage  d’alliances continentales et de promesses plus ou moins cachées de récompenses collectives ou individuelles que certains esprits chagrins dénomment tentatives de corruption. Une fois attribuée, la division du travail de l’organisation d’une olympiade est fort simple : le pays d’accueil paie les infrastructures, le CIO vend le produit et encaisse les recettes, entre sponsoring, publicité et droits TV. C’est juteux comme tout, au point que certains potentiels candidats se sont rendus compte de ce partage inéquitable et ont décidé de ne plus présenter de candidatures pour ne plus engraisser la bête à leurs dépens. Sans compter la gabegie : combien de stades et d’équipements ne servent que le temps des jeux et deviennent des villages-fantômes une fois la ruée vers l’or olympique achevée, combien d’Etats saignent leur population sur des générations pour permettre la tenue sur quelques jours de la grande fête du sport (Les athéniens et les grecs se souviendront longtemps des jeux 2004). Le vent semble tourner et les opinions s’interrogeraient désormais sur le fait que l’argent consacré aux jeux olympiques pourrait avoir une destination plus utile aux populations : disons-le tout de go, ce sont des jaloux et des grincheux. D’autant que c’est injuste, les jeux olympiques font vivre au quotidien de nombreuses personnes, oligarques, consultants, athlètes recyclés en consultants, intermédiaires, publicitaires et que les miettes sont nombreuses dans les pays hôtes, dans le BTP notamment, pour livrer les équipements en temps et heures, après avoir bien entendu pris la peine d’exproprier tous ces habitants qui ne savent pas valoriser la propriété privée à sa juste valeur.

Que reste-t-il d’attrayant aux jeux olympiques après ce noir tableau dressé ? Les jeux olympiques sont avant tout une affaire de prestige. Etre l’organisateur d’une olympiade, c’est braquer les projecteurs sur soi pour quelques mois, quelques années. Pékin en 2008, Rio en 2016, il y a une symbolique de joindre ou rejoindre le club des grands et avoir ainsi le privilège de contribuer un peu plus que les autres tous les quatre ans au réchauffement climatique, en déversant un flot d’athlètes, de spectateurs, de touristes et de VIP sur le tarmac encore chaud d’un aéroport international refait à neuf, quand il n’est pas sorti tout simplement de nulle part. Dans un monde rationnel qui aurait pris la mesure des crises multiples qui le traversent, les jeux olympiques, dans la forme qu’ils ont, ne devraient plus exister. Et pourtant…

Les jeux olympiques sont un symbole en concentré du meilleur et du pire de la mondialisation, dans un élan kitchissisme et mainstream que mettent en lumière les cérémonies d’ouverture, tentatives vaines de montrer l’âme d’une nation dans un stade olympique, dans un déluge de couleur et de musique. Le meilleur, parce que derrière la participation de certains pays et athlètes, c’est une forme d’optimisme et de revanche pour exister malgré tout, malgré l’adversité, le manque de moyens. Concourir face aux meilleurs d’une discipline, cela doit être grisant, à n’en pas douter. Mais c’est aussi-là que réside l’allégorie de notre monde : les dés sont souvent pipés, dans l’attribution des jeux, dans le déroulé des compétitions, avec des moyens totalement asymétriques entre les États, entre les athlètes. Si pour la galerie, l’important est participer, en filigrane, seule compte la victoire, coûte que coûte. C’est moche, et ça ne mérite pas même une seule feuille d’une couronne de laurier.

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