Comme la Divine Comédie de Dante, l’enfer d’un voyage en voiture comprend plusieurs cercles…et pire que les pleurs, le passage en boucle des CD préférés des enfants constitue la peine ultime… Henri Dès était la star des années 80 et 90, bien qu’il continue à sévir de nos jours, avec l’appui de son successeur dans les cœurs des 0 à 5 ans, Rémi Guichard… Et les enfants sont comme des adultes, en pire. Quand ils aiment un morceau, ils souhaitent l’écouter, encore, et encore, et encore, et encore…
Au point que vous auriez des envies de meurtre si vous veniez à croiser la famille tortue, le lapin qui se cache dans un chou et tous les animaux du bestiaire des chansons et comptines… Humiliation suprême, les enfants peuvent demander aux parents de chanter avec eux, en chœur…
Vous voilà sur la pente glissante de la décadence, reprenant à tue-tête, Cerf, cerf ouvre moi ou le chasseur me tuera, texte totalement subversif qui inculque quelques vérités pas très agréables aux enfants sur le personnage du chasseur cruel et rappelle que le cerf est un animal un peu voyeur sur les bords et n’est pas mieux que la petite vieille qui scrute toute la journée vos allées et venues dans votre rue, car si le cervidé aperçoit le lapin c’est bien parce qu’il est à la fenêtre en train de mater ce qui se passe dans la forêt… Mais aussi intéressant que soit l’analyse critique de ce grand texte de la comptine enfantine, il est temps de quitter la forêt pour retrouver la bergerie de nos moutons présents, à savoir le voyage en voiture…
Après quelques heures de ce régime, vous êtes dans le même état intellectuel qu’après une heure d’émission de télé-réalité, totalement lobotomisé, avec des réflexes pavloviens qui vous font fredonner Cerf, cerf à la seule vue du panneau passage d’animaux dangereux. Mais c’est le prix à payer pour gagner un peu de calme dans l’habitacle en déminant les crises…
Enfin, la destination est là…quelques kilomètres et la délivrance… les cinq dernières minutes, les plus difficiles, les plus bruyantes, les plus stressantes… A croire que les enfants lâchent ce qu’il reste de force, tout exprès, à l’aide d’un sixième sens… ça braille, ça pleure, ça gigote et ça vous met en pétard… Vous arrivez, et là, à peine le contact tourné pour arrêter le moteur, un coup dans le rétro, ils semblent calme, ils sont endormis, il faudra les réveiller, ce qu’ils n’aiment, et qu’ils vous feront payer, d’une manière ou d’une autre…
Dans quelques cas isolés, les enfants, arrivés à bon port, n’ont pas souhaité descendre de la voiture après avoir répété comme un mantra mille kilomètres durant, c’est quand qu’on arrive… L’abandon, temporaire, est une solution qui pourrait se comprendre dans ces cas rares et extrêmes…
Mais le meilleur reste à venir, sans même de parler du trajet retour, n’anticipons pas les plaisirs sadiques et carrément masochistes sur les bords, car les joyeusetés du séjour attendent les parents ébahis, qui n’ont rien à envier au reste…