Il y a dans la politique de l’exécutif quelque chose d’hypnotique. Cet en même temps troublant, qui souffle le chaud et surtout le froid, qui se fait tour à tour moralisateur, je men foutiste, père fouettard, paternaliste, produit un syndrome de Stockholm sur un pays entier, pris en otage par un mouvement qui a gagné sur un malentendu (faire barrage au front national) tout en se laissant avoir par une communication bien huilée, avec une parole présidentielle décrédibilisée mais qui est attendue avec impatience.
Sous un air de gestion de pieds nickelés, le calendrier est pourtant parfaitement maitrisé. Il n’est pas anticipé mais il s’adapte aux circonstances. Le projet de loi sur la sécurité est controversé (allez manifester, il ne doit pas passer), le comportement déviant de certains représentants des forces de l’ordre, vidéos à l’appui, éclate au grand jour (en fait déjà public mais il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir), ce projet de loi est adopté en première lecture à l’assemblée : ce n’est pas grave, la polémique est éteinte avec l’intervention d’Emmanuel Macron, qui déplace le regard sur la sortie du confinement, en père la nation de mauvais film de série Z (il y a certains films de série Z de qualité, quand ils annoncent la couleur). C’est vraiment très fort, la polémique se déplace sur les mesures et le calendrier de « l’allégement du confinement », faisant oublier le reste (l’absence de démocratie sanitaire, les violences étatiques, les textes passés en catimini…). Si le macronisme tombe aux oubliettes de l’histoire en 2022, il pourra être étudié néanmoins en cours de communication. L’agenda idéologique est respecté, enrobé d'éléments de langage et de novlangue, et sous le patronage de l’adage Oderint, dum metuant, qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent notamment avec une frange de la police confortée dans ses dérives à l’exception de quelques lampistes sanctionnés pour amuser la galerie.
Et puis l’actualité est tellement dense, la crise sanitaire tellement anesthésiante, les crises diverses si prégnantes que la mémoire n’a pas le temps d’imprimer le rythme soutenu des contradictions, dérives et autres entourloupes. Mais tout cela renforce un peu plus ce détachement des individus des choses de la cité. Et c’est là le profond danger. Celui contre lequel il faut lutter. Contre l’apathie, la neurasthénie intellectuelle et des sens, il est urgent de vacciner la démocratie contre ces démons. Par une réappropriation des débats, de l'espace public, par toutes et tous.