On a toujours besoin d'un petit remontant, même dans les pires situations...
Monty Python - Bright Side Of Life par
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On a toujours besoin d'un petit remontant, même dans les pires situations...
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La conjecture. La conjecture est une hypothèse qui n’a pas reçu encore de confirmation. Elle est réapparue avec force depuis quelques jours. Rapport à ce qui se passe à Toulouse. A la lecture rétrospective des journaux (faites le test, garder-les, replongez-vous y, surtout les éditoriaux, qui sont peuplés de conjectures qui s’invalident une fois sur deux après coup) ou le visionnage des reportages télé, nous sommes allés et nous allons de conjecture en conjecture. Il faut occuper le terrain, l’espace, le temps, le papier, l’antenne et pour ce faire, il faut de la conjecture. Tout le monde peut apporter de la conjecture. Le journaliste, le témoin, l’ami d’enfance, le procureur, la police, le ministre de l’intérieur, le quidam pris au hasard dans la rue.
La réalité est devenue pareille à une série TV policière dans laquelle tous les points de vue sont évoqués. Le spectateur est omniscient dans une série télé. Le citoyen, le lecteur, le téléspectateur l’est devenu dans la vraie vie. La remontée de la piste du tueur, expliquée avec schémas à l’appui, les hypothèses, avec l’apparence de la certitude, exprimées par les enquêteurs et la hiérarchie de la justice, sous couvert d’anonymat ou pas, font ressembler notre société à un épisode des Experts ou de 24 Heures Chrono.
Le siège du tueur présumé entretient un suspense où la conjecture a toute sa place. Si les forces de police n’interviennent pas c’est que 1) il y a une bombe, donc c’est dangereux 2) pour faire tenir le plus longtemps possible l’unité nationale en ces temps de présidentielle 3) pour éviter la bavure qui posera plus de questions qu’elle n’en résoudra 4) il n’y a pas de tueur présumé (la théorie du complot 5) …le nombre de conjecture peut être multiplié à l’infini.
L’émotion est galvanisée, les discours grandiloquents se succèdent, les rassemblements s’organisent, les théories les plus hétérodoxes foisonnent, en pleine présidentielle, chacun y va de sa larme, de son incompréhension, de son explication. Les victimes et leurs familles ne sont finalement plus que les pièces d’un puzzle plus complexe. Les peurs, sur un terreau fertile, remontent à la surface et les uns et les autres surfent allègrement dessus pour en tirer parti.
Le tueur était-il le maillon d’une chaîne terroriste, était-ce un illuminé qui s’est construit son scénario meurtrier tout seul dans son coin, les conjectures vont bon train, elles permettent de servir le discours de l’un ou l’autre des candidats selon le message qu’il souhaite faire passer en permettant de prolonger les plateaux télé squattés par les experts qui se succèdent sans interruption.
Au final, à qui profite les crimes ? Après tout, j’ai bien le droit d’y aller de mes conjectures, je suis diplômé es Bar-Tabac-PMU, qui constitue l’élite de l’expertise du café du commerce.
Le Président sortant, sans conteste, qui ramait dans les sondages, ses sujets de prédilection, la sécurité et la peur ne fonctionnant pas, la population s’inquiétant plutôt des perspectives économiques et sociales. Avec cette affaire, le voilà servi, campagne suspendu, il redevient Président, les autres candidats l’écoutant lors des obsèques des militaires, l’image a du provoquer un début d’érection dans l’état-major de Nicolas Sarkozy, qui lui-même n’a pu s’empêcher depuis de faire du Sarkozy en proposant une nouvelle loi dans le code pénal relative à l’endoctrinement sur le mode, un crime, une loi. L’UMP va tout miser sur cette séquence particulière de la présidentielle et surfer sur l’émotion suscitée, y compris dans les aspects les plus sordides. Mon petit doigt me dit que chaque jour, une nouvelle révélation sera lâchée dans la presse, occupant ainsi les esprits à autre chose qu’au fond de la présidentielle.
Marine le Pen de son côté n’attendait que ça pour relancer sa campagne, un bon gros fait divers qui encourage le rouge qui tâche qui sommeille en chaque être humain. Elle n’a qu’à ramasser.
Pour les autres candidats, il va falloir remonter le courant. Et ramer pour replacer les thèmes des débats de la présidentielle qui prévalaient jusqu’alors. Psychologiquement, c’est dur, médiatiquement c’est compliqué, mais après tout, ce ne sont là que des conjectures…
Le retour à la maison pour procéder au rangement des courses constitue un moment de calme, à condition que les sacs ne renferment pas une de ces crèmes chocolatées pour qui tout le monde se lève et que la descendance va immanquablement vouloir déguster alors que le repas se prépare à peine. Il va être nécessaire de la jouer fine pour que le caprice ne fasse pas son apparition– car l’enfant, rappelons-le, n’a pas un surmoi très développé, ce surmoi qui permet à l’adulte d’accepter les conventions sociales et de mettre la réalisation instantanée de ses désirs sous le boisseau, de baisser la tête devant l’autorité ou encore d’être conduit par le principe du conformisme, qui n’est pas synonyme de réalisme et de pragmatisme loin s’en faut, mais si vous insistez, peut-être un jour, l’auteur de ces lignes reviendra sur ces quelques notions…
Le repas du midi approche, il faut lâcher un peu de lest, c’est le moment de sortir un atout de choc, les fameuses frites ou à défaut la plâtrée de pâtes qui ne vous prendra jamais en traitre. Pour l’enfant, à l’image du genre masculin adulte, la pomme de terre, les pâtes ou encore le riz font partie du tableau officiel des légumes, au grand dam du genre féminin qui conteste cette approche scientifique sans pour autant apporter de preuves concrètes si ce n’est quelques pages de manuels de nutrition et autres bonnes feuilles de régime. Quand on voit comment les modes passent en matière de régime, ce qui était porté au firmament hier étant descendu en flèche après une saison, permettez-moi de douter de cette classification douteuse qui ostracise les féculents.
Pour contrebalancer les gros yeux de la maman, il faudra cependant penser à bien commencer le repas par quelques crudités, la carotte râpée étant le must en la matière. Ainsi, le repas pourra se dérouler dans la joie, la bonne humeur, et sans qu’un sentiment de culpabilité ne pèse sur les épaules des parents. L’enfant est ravi de croquer ses frites mais soyez conscient que vous avez grillé une cartouche que vous ne pourrez plus utiliser du weekend. L’éducation alimentaire implique la diversité, ouvrir les portes des bonheurs gustatifs une forme de combat pour imposer à la table légumes d’hier et d’aujourd’hui, à moins de rendre les armes et de tomber dans l’excès de la malbouffe, triste signe d’une américanisation qui fait exploser l’obésité dès le plus jeune âge, avec son cortège de diabète précoce, de railleries, de mal être et tout ce qui s’ensuit.
Les prochains repas, une fois la frite passée, devront contenir une sacrée dose de vert, ce qui fera d’une pierre deux coups, le paternel rédécouvrant la richesse de nos potagers au passage. En cachette, il pourra aller se faire un fast-food dans la semaine, sur le repas du midi, prétextant une obligation de manger en deux-deux… Dans l’éducation, si tout n’est pas affaire de façade, les apparences comptent et la morale doit être sauve…
A évoquer le repas, autant mettre en garde les gardiens de l’ordre et les ayatollahs de la propreté : les débuts de l’apprentissage pour apprendre à manger à un enfant sont un cataclysme. Rien n’est plus drôle que de mettre ses mains dans la purée d’artichaut puis d’en maculer la chemise, le tailleur ou encore le pull tout neuf des parents. Renverser l’assiette, jeter la cuillère au loin, l’imagination n’a pas de limite pour transformer une table en un champ de ruines. A moins de recouvrir l’enfant d’un sac poubelle, à l’exception de la tête bien entendu (mais vous l’aurez deviné de vous-même), la corvée lessive suivra l’activité repas.
L’enfant se tache, c’est inhérent à sa condition humaine, aussi sur que deux et deux font quatre. Et le périmètre de sécurité devra être d’autant plus étendu que nous aurons affaire à des denrées de type grains de riz, semoule, lentilles et autres objet de quelques millimètres tout au plus. Le chocolat et la sauce tomate produisent également des taches artistiquement intéressantes et l’enfant n’aura de cesse d’explorer des terrains nouveaux et d’éprouver la résistance et la patience de ses parents. Pour sa part, l’auteur de ces lignes peut vous le confier, il a découvert en lui-même des ressorts de patience qu’il n’aurait pas soupçonné, mais de là à dire qu’élever un enfant est une sorte d’exploration méditative de soi-même, c’est une affirmation qu’il vous laisse formuler, faut pas déconner quand même.
La Danette terminée, dont la moitié étalée entre la table, le visage et le pull, la progéniture est prête pour le nouveau bras de fer, la sieste. Alors que l’adulte ne rêve que de pouvoir s’adonner à cette saine activité que le monde professionnel ne reconnaît pas à sa juste valeur, si nous mettons de côté quelques administrations, l’enfant refuse souvent cette option obligatoire, plus particulièrement les jours où il en aurait le plus besoin lui-même ou ses parents…
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Il est à peine 9h00 du matin, c’est samedi et vous avez déjà eu à gérer une crise au sommet, entre menaces (qui peuvent être cumulatives dans la liste non exhaustive suivante : t’es plus mon papa ou ma maman, je t’aime plus, t’es méchant, je veux plus te parler, nan c’est toi qui va m’écouter…), pleurs et roulades au sol. Par bonheur (enfin, c’est vite dit), l’heure d’aller faire les courses arrivent à point nommé. L’attention de l’enfant va être détournée sur cette autre activité- Détourner l’attention, retenez bien cette expression : là encore une technique bien utile, qui fait ses preuves et qui est transposable dans presque tous les contextes.
Vous voilà en route pour l’hyper du coin, et une nouvelle aventure pas si anodine que cela à vivre commence à partir du chariot à course dit Caddie. Il a un pouvoir hypnotique sur l’enfant. Il voit le rectangle rouge qu’il suffit de déplier pour en faire le siège de la plus fantastique des voitures de course. Et le papa (plus rarement la maman, quoique) imagine la même chose : chouette, un rallye et du slalom entre les rayons, un circuit à imaginer, des obstacles et de la performance au rendez-vous. Au supermarché, un adulte peut redevenir un enfant, au point de mettre mal à l’aise l’enfant, qui peut avoir quelque peu honte du comportement parental, comme quoi la roue tourne…
Ouf de soulagement, la crise de la TV est passée, les courses vont pouvoir se dérouler tranquillement, à quelques virages en épingle près. Sauf que, un supermarché, pour un enfant, selon les rayons, constitue la plus vaste des cavernes d’Ali Baba que seul un magasin de jouet arrive à surclasser. Votre pire ennemie du moment s’appelle la tête de gondole et ses promesses de bonheur matérialiste pour la famille en général et les plus petits en particulier. Les professionnels de la vente ne le savent que trop, l’enfant est un prescripteur d’achats à son insu. Mettre en avant des DVD de Cars, de Toy Story, des montagnes de Kinder, ou encore des amas de bonbon, c’est un coup bas dont ne se privent pas les géants de la distribution. L’enfant apercevant la figurine de son héros préféré ne va pas comprendre les subtilités de notre société, en particulier sur la consommation : travailler, avoir un salaire ou un revenu, ne dépenser que ce que l’on a et pas plus, ne pas prendre un crédit pour ma première chose venue. Savoir que le revenu ne couvre pas tous les désirs et que la frustration est à chaque coin de rue sont des concepts que de nombreux adultes n’acceptent déjà que difficilement et pour certains les récusent franchement, alors inutile de penser qu’un enfant les découvrira facilement et voudra se les voir appliquer sans broncher. C’est plutôt rassurant et sain d’ailleurs…
Mais loin des considérations métaphysiques sur l’origine du mal, le parent est à l’entrée du magasin, concrètement, comment va-t-il s’en sortir sans passer par la case « conflit armé autour de la question de savoir s’il est raisonnable d’acheter la moitié du magasin et surtout cette cabane de jardin en forme de roulotte pour pouvoir jouer dedans »?
La première et peut être l’unique chose à faire est de repérer les sirènes qui pourraient appeler l’enfant. Les fameuses têtes de gondoles. Elles sont le plus souvent…à l’entrée du magasin. C’est le moment crucial. Au lieu d’aller tout droit après l’entrée comme nous le faisons tous, il est impératif de virer à gauche tout en occupant l’esprit l’enfant pendant quelques secondes. Longer les caisses. Eloignez-vous de l’empire du mal des promos du mois de l’entrée du magasin et de son cortège de rayons diaboliques permanents au sein duquel se niche le saint du saint, le rayon jouet. Longeant les caisses, faisant en quelques sortes les courses à contresens, vous contournez la logique commercial et consommatrice. Il y a bien encore quelques pièges, dans le rayon gâteaux, jus de fruit et autres laitages au gout aussi industriel qu’addictif, mais le spectre du scandale et du bras de fer en plein magasin s’est éloigné. Car c’est bien la difficulté que pose le magasin : le scandale public, la perception du regard réprobateur des autres sur le caprice l’enfant, la fessée qui fait mauvais genre, bref un piège à se retrouver avec un paquet de bonbons sur le tapis de caisse pour acheter la paix sociale et repousser l’opprobre public. Mais lecteurs attentifs de ces chroniques, vous savez ce qu’il en coutera demain de baisser les bras aujourd’hui et de satisfaire le moindre désir de l’enfant : c’est faire entrer le diable dans la maison.
Le dernier obstacle à franchir sera cette maudite caisse, temps d’attente où l’enfant aura le regard fixé sur des kinder surprise qui lui chantent une douce musique : mangez moi, mangez moi, mangez moi… à laquelle vous répondrez en vous motivant : Résiste, prouve que tu existes !...
Il est 11 heures du matin, la pièce du caddie est récupérée, l’aventure continue, le weekend et sa nuée de pièges sont à peine entamés...
à suivre...
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