Andy Warhol avait annoncé que chacun aurait son quart d’heure de célébrité. Le problème, c’est que dorénavant, celui-ci vous colle à la peau pour l’éternité. Le mouchard le plus efficace de l’histoire a un nom : internet, et Big Brother existe réellement, il est alimenté avec une inconscience bien consciencieuse par les victimes elles-mêmes. Tapez votre nom sur Google ou un autre site de recherche, et si vous n’y avez pas pris garde, vous verrez de nombreuses traces de votre passage dans le cyber espace. Je vous laisse deux minutes, allez y ! C’est éloquent. Vous ne vous rappeliez pas cette pétition contre la guerre? Ce n’est pas grave, vous l’assumez. En revanche, cette photo de vous lors de cet apéro monstrueux où vous avez montré le moindre aspect de votre anatomie à toute l’assemblée pourrait faire des vagues.
Une étude de Microsoft a ainsi révélé que 75 % des recruteurs américains avaient déjà procédé à des recherches en ligne sur des candidats et que 70 % avaient rejeté des candidatures à la suite de ce qu’ils avaient trouvé en googlelisant les noms des candidats. Tout ce qui aura été mis sur la toile pourra dès lors être retenu et se retourner contre vous…
Aujourd’hui la frontière entre vie publique et vie privée devient plus ténue et le contrôle social plus resserré que jamais. La vigilance est indispensable pour ne pas payer toute sa vie une mise en ligne malencontreuse car le droit à l’oubli n’existe pas formellement à ce jour sur la toile. Vous me direz, si telle ou telle information est visible c’est bien qu’une personne l’a sciemment mise en ligne. Et qu’il s’agisse d’un tweet, d’une photo ou d’un texte, l’auteur doit en assumer la paternité. Surement, mais certainement pas à perpétuité.
Ce qui fait que l’homme avance, c’est ce savant mélange entre apprentissage et oubli, c’est le droit de se construire tout autant à partir qu’en dépit de ses erreurs sans que ces dernières ne lui reviennent perpétuellement à la face, l’expérience n’étant que le nom que chacun donne à ses erreurs pour reprendre le bon mot d’Oscar Wilde. Pour le permettre, une grande partie des informations présentes sur le net devraient être comme les yaourts : périmées et détruites passée une certaine date.
Sans compter que certaines informations qui apparaissent sur la toile sont le fait d’amis qui, tout compte fait, ne vous veulent pas que du bien : vous pensiez passer un moment intimiste en leur compagnie, la moitié de la terre est finalement susceptible de le partager également avec vous. J’en entends déjà quelques uns qui me rétorqueront, s’ils n’ont rien à se reprocher, où est le problème ? C’est une intrusion dans la vie privée que de l’étaler au grand jour. Après tout, si j’aime les bons gueuletons arrosés de bonnes bouteilles, mon employeur actuel ou futur n’a pas à le savoir, sauf si je décide de lui en faire part. Donc, le droit de retrait d’un document devrait pouvoir être instantanée…à condition d’en avoir connaissance, ce qui implique de se googleliser soi-même…on tourne en rond…
Il y aurait bien une autre solution comme demander systématiquement aux personnes que l’on croise d’éteindre portables et appareils photos, mais cette attitude ne manquerait pas de tuer dans l’œuf toute convivialité…
De nombreuses personnes ont bien cernées le phénomène au point d’en jouer à leur avantage. En sélectionnant ce qu’ils veulent montrer, en référençant ce qui les met en valeur, ils communiquent parfaitement pour renvoyer l’image désirée…C’est en particulier au travers des réseaux sociaux professionnels que l’on voit naviguer avec le plus de talents ces personnages qui ont trouvé là des outils encore plus efficace qu’une carte de visite cartonnée.
A l’opposé, vous avez ceux qui laissent, à la manière des escargots, des traces derrière eux sans s’en rendre compte, des traces souvent compromettantes : des réponses sur des forums suspects dans lesquelles les fautes d’orthographes feront douter l’employeur sur la capacité du ou de la candidate googlelisée à occuper le poste d’assistante de direction par exemple…
Devant ce phénomène, nous ne sommes pas tous égaux, dans le niveau d’information et de connaissances nécessaires, amplifiant plus qu’il ne réduit les inégalités. Et la nouvelle génération d’application n’est pas pour rassurer : reconnaissance faciale sur les photos qu’on pensait anonyme, entre autres choses… Le pseudo Cacahuète58 ne vous protégera même plus de la googlelisation… Ne serait Il pas temps de déconnecter…???!!!
Source : Books octobre 2010
http://www.lepost.fr/article/2010/11/08/2296871_je-suis-tu-es-il-est-nous-sommes-googlelise-s_1_0_1.html