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bretagne - Page 5

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 15 : des préjugés sur le breton...

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    Les préjugés sont tenaces, ils alimentent les discussions de comptoirs, les blagues éculées, et permettent à tout un chacun de se différencier en se définissant par ce qu’est l’autre. Ainsi le Belge serait un peu lent du cerveau, le Corse adepte du poil dans la main, l’Alsacien un peu trop allemand sur les bords, le Provençal mafioso par définition. Le Breton n’échappe pas à cette imaginaire populaire et pour tout dire, il cumulerait même plusieurs tares : alcoolique comme un chti, cul terreux comme un irlandais, avare comme un auvergnat et têtu…comme un Breton. En un mot, il est pas comme tout le monde.


    Le néo-breton se doit de rétablir une vérité que son expérience apprend à découvrir chaque jour. Au risque de paraître partial et subjectif, cette vérité ne s’appuyant sur aucune vérité statistique si ce n’est quelques chiffres glanés ci et là au détour d’une conversation de comptoir.


    Dans cette terre lointaine, cette presqu’île accrochée au continent eurasiatique, l'environnement a forgé une culture et des caractères. Que la vie soit terrienne ou nécessite d’avoir le pied marin, elle était dure, et même carrément vache à l’occasion. Essayez de faire pousser des cultures sur une terre granitique, acide, pauvre, détrempée… faut se lever tôt le matin, travailler dur pour un résultat aléatoire. Sur les côtes, la pêche a également forgé une histoire bretonne. Si les armateurs, propriétaires des bateaux ont su se construire des fortunes que l’on retrouve dans le faste des maisons bourgeoises et autres manoirs le long des ports, pour les marins et leurs familles, la mer était synonyme de métiers mal payés, où les risques sont quotidiens et la mort omniprésente. Ajoutez à cela de longues journées de pluie, l’éloignement géographique et vous comprenez comment certains caractères sont entrés dans le patrimoine culturel breton.


    Ainsi, le breton n’est pas alcoolique par nature. C’est la contingence, l’environnement pour ne pas dire la civilisation, qui font monter ses gammas gt. Est-ce sa faute si l’eau est si chargée de nitrates que seul le cidre lui permet de survivre sans s’intoxiquer ? Que les jours de pluie sans fin provoquent une répulsion de H2O ? Que la bière locale est si bonne ? Non, soyons sérieux. Le breton est la victime, très consentante, de mère nature.

    Idem pour son avarice, particulièrement prononcée en pays bigouden paraît il. C’est bien l’histoire qui a conduit les Bretons a ce comportement de thésaurisation. Des récoltes aléatoires, des filets vides ramenés au port incitent à jouer à la fourmi plus qu’à la cigale. Et quand bien même le breton le voudrait, il n’arriverait pas dépenser plus qu’il n’a : la galette n’est jamais meilleure qu’avec des ingrédients simples, elle se marie difficilement avec le caviar. Même le homard est donné à la criée, impossible de se la jouer bling-bling.


    Mais avarice n’est pas radinerie. Le breton est généreux. L’Eglise vous le dira. Enfin était. L’Eglise vous le confirmera également. Si dans les affaires religieuses, le breton est moins prodigue de nos jours, pour le reste, il sait ouvrir son porte-monnaie, son toit et même parait il son cœur de granit.


    Ce qui nous amène à évoquer, en parlant de roche dure d’un défaut souvent reproché au breton : il serait têtu. Une tête de pierre. Un menhir à la place du crane. L’avis du chroniqueur en la matière est plus nuancé. En face d’un breton qui ne reconnaît pas que j’ai raison, je le qualifie volontiers de têtu, mais l’honnêteté me fait reconnaitre que certains, certes peu nombreux, acceptent d’emblée que je sois dans le vrai.

    Mais si la détermination est une qualité, alors oui, la légende a un fond de vérité. L’esprit d’entreprise existe, avec un grain de folie qui passe pour du génie si le succès est au rendez-vous. Il faut avouer que personne, hors de Bretagne n’aurait mis un Kopeck sur une boisson nommée Breizh Cola dont le slogan est la boisson du Phare Ouest. Que rendre fun une région avec comme ambassadrice une vieille bigouden nourrit à la motte de beurre était un pari osé. Le breton pense avoir raison en dépit des autres et ce défaut en devient une qualité.

    Mais pour le reste, dans la réalité, le breton est loin de cet être têtu, borné et radical. Au contraire, la Bretagne est une terre où le consensualisme est un dieu, et le compromis, son prophète. A condition de ne pas attaquer la Bretagne. Car là, vous ferez l’unanimité contre vous. Preuve éclatante d’un consensualisme jusqu’au boutiste…

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 12 : je ne suis pas un numéro, enfin presque…

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    Le néo-breton s’est installé, mais l’aventure ne fait que commencer…

     

    Penser qu’un emménagement se termine dans la minute même où le dernier carton est vidé relève d’une naïveté dans laquelle s’était plongé consciemment et avec une certaine lâcheté le néo-breton, pour ne pas se faire peur trop vite.

    Mais rapidement une forme de réalité le rattrape : celle des choses administratives. Elles sont si nombreuses que le chroniqueur a légitimement pensé que la Bretagne était devenue indépendante : toute une vie bureaucratique à reconstruire, signe incontestable d’une expatriation. De la maison à la voiture, des impôts à la sécurité sociale, de la banque aux fournisseurs divers et variés, ce sont des dizaines de courriels, courriers, standards téléphoniques qui sont venus agrémentés un quotidien qui ne demandait pas tant d’égards. A l’heure de la dématérialisation, qui nous vend du rêve et de la facilité, il y a là une forme de paradoxe qui fait sourire, du moins dans un premiers temps puis énerve passablement à mesure que les démarches se multiplient.


    Pourtant, le chroniqueur s’est senti rassuré : Big Brother n’a pas encore pris totalement le contrôle de la société. Les fichiers ne sont pas croisés, certains se perdent…et des courriers continuent à arriver à l’ancienne adresse en dépit des nombreuses interventions pour donner la nouvelle localisation.


    Ce temps bureaucratique où vous n’êtes plus parisiens mais où vous n’êtes pas encore administrativement breton, vous entrez dans la quatrième dimension, une sorte de no man’s land constitué de limbes dans lesquelles vous n’existez pas totalement, seule la sacro-sainte facture de téléphone ou d’électricité, en lambeaux à force d’être constamment demandée, et à la condition d’en détenir au moins une qui ne soit pas périmée, vous permettra d’attester que vous êtes installés ici désormais et pas ailleurs.


     
    Heureusement, le breton en général, et le finistérien en particulier, est plutôt avenant, sympathique même et cherchera à ne pas ajouter sa touche à l’enfer que vous vivez. Il sera empathique, indiquant qu’il comprend et compatit.

    Mais ce n’est pas pour autant qu’il transigera. Si vous n’avez pas le fameux justificatif de domicile et le formulaire N°XXXX dument complété, pas la peine d’insister, le règlement c’est le règlement. Et attention, il est inutile de revenir à la charge, le breton est comme tout un chacun, et paraît il, un peu plus que les autres : il serait têtu.


    Remarquez qu’un déménagement, c’est aussi l’occasion de faire table rase et de remettre quelques compteurs à zéro : votre banque qui s’est sortie de la crise financière en vous ponctionnant allégrement sur les frais de gestion de votre compte, votre fournisseur d’accès à internet dont le prix est inversement proportionnel à la qualité du service, votre assurance auto qui n’a jamais répercuté les baisses qu’ont connues les primes… la loi permet de résilier sans pénalités presque tous ces contrats. La condition : avoir du temps pour faire une étude comparative et faire la queue à la poste pour envoyer une flopée de recommandé. La plage ou les économies, la terrasse de café ou l’amélioration des conditions de son assurance… Choix cornélien… C’est pour cela que le chroniqueur a souhaité déléguer cette tache : sa compagne est bien meilleure pour ces choses là, alors que lui n’a pas son pareil pour lézarder sur le sable ou en terrasse : ce n’est pas de l’oisiveté, à ce niveau c’est une conscience artistique et professionnelle aigue.


    Après ce parcours du combattant par délégation, enfin reconnu comme habitant du 29, sa plaque d’immatriculation l’attestant, le néo-breton va pouvoir, enfin, se glisser dans la vie des autochtones…enfin, peut être…

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 11 : la mer, qu'on voit danser...

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    Le néo-breton a fait un tour chez un géant suédois pour meubler sa maison. Mais il n'a pas le coeur à l'ouvrage...

    La pointe du raz, la baie d’Audierne ou encore celle de Douarnenez, à quelques encablures, les festivals de musiques qui s’enchainent pas très loin non plus, un soleil à faire pâlir Marbella, le néo-breton aurait de quoi profiter de ses premières semaines sans s’ennuyer une seule seconde. Mais…mais quelques mètres cubes d’un meccano suédois l’attendent, accompagnés de quelques surprises plus ou moins désagréables, qui soit disant font le sel de la vie, manière de se rassurer et d’oublier qu’on serait bien mieux ailleurs qu’à gérer ces embrouilles.

    Pour se motiver avant d’attaquer le chantier, le chroniqueur se décide malgré tout à faire un tour du côté de l’océan, humer quelques embruns, mettre un orteil dans l’eau mais pas plus (pas par manque de temps mais 16° est une température à laquelle il va avoir toutes les peines du monde à s’habituer). Il a fait le trajet en un quart d’heure, a trouvé une place rapidement et se retrouve sur une plage clairsemée, avec vue sur voiliers et rochers pénétrant l’océan. Le bonheur n’est pas dans le pré mais bien dans cette petite crique. Certes, ce ne sera pas farniente à la sauce méditerranéenne, l’Atlantique et la Bretagne ont ce climat océanique qui ne donne pas des hivers rigoureux mais contrepartie à payer, la température reste fraiche, même au plus fort de l’été. Le naturisme n’y est d’ailleurs pas aussi développé qu’ailleurs, non par une pudibonderie qu’une culture catholique passée aurait imposée mais bien par la nécessité de se couvrir décemment pour ne pas tomber malade.

    Devant l’océan, le néo-breton savoure cet instant, le calme et la quiétude avant les nombreuses autres étapes qu’impliquent son emménagement et sa nouvelle vie.

    Les orteils touchés par les vagues, le champ des possibles lui saute à la figure : se remettre à la voile, enfin s’y mettre parce qu’une semaine de stage d’optimiste en CE2 ne fait pas du chroniqueur un loup de mer ; le surf, depuis « Point Break », ça le titille, même si son sens de l’équilibre est précaire et que le goût du danger n’est pas dans sa nature ; et puis, soyons fou, pourquoi ne pas rêver de venir courir toutes les semaines le long du sentier des douaniers. Le chroniqueur rêve éveillé… mais ce charmant tableau s’écroule lorsque son aîné lui demande de rentrer à la maison séance tenante, pour cause de Bob l’éponge contre les araignées de mer. Tabarly et Keanu Reeves s’envolent, le chargé de famille proteste mais la magie n’est plus là, il décide de ramener sa troupe en voyant s’éloigner à regret dans le rétroviseur le fruit de son imagination.Ne reste plus qu’à monter le mobilier stocké dans chacune des pièces pendant que ses enfants s’abrutissent devant une éponge qui parle. Ita Missa Est, il s’inscrira au Winch Club plus tard, dans un an, peut être, enfin, il verra.

    En attendant des jours meilleurs, Fest-noz et Fest-Deiz tout le weekend : concert de vis, marteau et jurons, entrecoupé de pauses arrosées à la bière Bretonne. Ça tombe bien, les brasseurs sont nombreux et le breuvage aussi varié qu’excellent. De la Tri Martolod à la Coreff en passant par la Mor Braz, le néo-breton pourra découvrir un terroir singulier. Et s’il veut rester sobre, il y aura toujours les deux colas bretons, Breizh et Britt. En matière d’apéro, la Bretagne pourrait affronter l’indépendance sans avoir peur d’un embargo : elle autoproduit !

    Mais croire que monter quelques meubles suffit à être installé, c’est faire preuve d’une naïveté certaine. Le temps des changements d’adresse arrive, et avec lui son lot de surprises et d’arrachage de cheveux que la multiplicité des administrations et entreprises à contacter va exacerber… Le néo-breton va découvrir, en pétard, que si la République est une et indivisible, ses dossiers administratifs sont départementaux et qu’à l’heure de la dématérialisation, il n’a jamais eu autant de papier et de courrier à envoyer…

     

  • Arrêtons de faire prendre des vessies pour des lanternes...

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    En politique, faire prendre des vessies pour des lanternes est un art que certains personnages maîtrisent avec plus ou moins de brio. Ces derniers temps, les sujets ne manquent pas, il n’est qu’à voir la crise financière et les algues vertes. Quel rapport me direz-vous si ce n’est que le chroniqueur est finistérien et ne peut s’empêcher de remettre sur le tapis un sujet breton ?

    Justement, dans les deux cas, c’est bien la responsabilité des fauteurs des troubles que Nicolas Sarkozy et ses copains tentent de faire oublier, et mieux, plutôt que de chercher à résoudre les crises en s’attaquant aux causes, ce sont les conséquences qui sont dans le viseur.

    Dans le cas de la crise financière, qui est devenue une crise tout court, depuis que la finance a repris du poil qu’elle a tondu sur la bête, la spéculation, le système bancaire, les traders, les hedge funds, les paradis fiscaux et tous ce qui pourraient s’en rapprocher ont conduit au désastre qui n’en finit plus de s’étendre. Le chômage gonfle, les croissances sont si molles qu’elles flirtent avec la récession, la paupérisation s’accentue mais l’endettement des Etats, qui a sauvé la clique financière et permis de ne pas se faire le remake de la crise de 29, est maintenant attaqué par tout ce que la finance compte de prédateurs. Pour spéculer, à grande échelle, aucun risque ne doit être pris à la différence du petit boursicoteur qui peut bien perdre ses maigres économies en un clic. Dédouanés et retrouvant avec allégresse et une certaine euphorie des profits et des bonus éhontés, le système financier rallume la mèche que les pompiers de service ont eu toutes les peines du monde à circonscrire.

    Et que font les dits pompiers de service, qui n’ont exigé que de maigres garanties du type « gentlemen agreement » pour toute contrepartie du sauvetage : ils mettent le doigt sur la couture et se mettent au garde à vous des salles de marchés et des agences de notation. Alors que les grands de ce monde pourraient se mettre autour d’une table et les mettre au pas en rappelant que toute spéculation comporte le risque de perdre sa mise, comme au casino, la grande saignée va être pratiquée. Tailler dans les dépenses publiques pour mieux rembourser une dette dont le véritable débiteur est aujourd’hui exonéré. Mais par une perversion manifeste, c’est en stigmatisant les populations qui n’avaient rien demandé de tel que l’opération est réalisée. Les braves individus sauvant par leurs impôts le Léviathan libéral sont devenus par la force du discours de vilaines cigales qu’il est temps de remettre à la frugalité.

    Les agences de notation s’amusent comme des petites folles : elles qui n’avaient pas osé mettre des notes désastreuses sur les banques avec leurs actifs pourris tirent à vue sur les comptes des Etats. Il n’y a pas de morale, mais y en a-t-il eu seulement un jour.

    Deuxième exemple d’un travail de sape de la réalité, il s’agit des algues vertes. Dix huit sangliers sont retrouvés morts sur une plage et les autorités de l’Etat tentent de jouer la montre pour ne pas à avoir à traiter l’odieuse vérité : les algues tuent, et elles sont le produit d’une politique agricole désastreuse en Bretagne. Au mieux, l’Etat débloquera quelques fonds pour nettoyer ces algues, histoire de ne pas trop importuner l’autochtone et le touriste tout en préservant de la colère le représentant de cette agriculture intensive et productiviste lors du prochain dîner.

    Rappel des faits, les rejets des porcheries et autres étables à animaux, tout comme la dispersion d’engrais à outrance dans les champs saturent les sols de nitrates, qui se retrouvent dans les nappes, cours d’eau et pour finir en mer. L’eau n’est plus potable, les cours d’eau sont pollués et provoquent l’apparition d’algues que ce concentré de nitrates booste encore mieux qu’un coureur du tour de France après une prise d’EPO. Tout est scientifiquement prouvé sans qu’aucune contestation sérieuse ne vienne remettre en cause tout cela (à l’exception des lobbys agricoles qui s’agitent par une communication tout azimut). Tout le monde connaît la solution : passer sur un modèle agricole plus soutenable, utilisant moins d’intrant azoté, en réglementant et limitant réellement l’élevage intensif des porcs, vaches et autres animaux d’élevage. Pour cela, une transition et un accompagnement de toutes les filières sont nécessaires, même les « intégristes » écolo que stigmatise Nicolas Sarkozy le savent.

    Pourtant rien n’avance réellement, et la dernière prise de parole du président de la République en Presqu’île de Crozon avait même tout du plaidoyer de l’avocat qui défend l’accusation. Tout au plus, l’Etat donnera l’aumône en envoyant deux ou trois tracteurs pour nettoyer les plages.

    En étant outrancier, le politique cherche à déplacer le problème pour ne pas avoir à s’y frotter. La culpabilité est renversée dans une diatribe périlleuse, ce n’est plus le modèle agricole mais la population qui ne sait pas apprécier une eau polluée et des plages mortelles ! Cette même population devra passer à la caisse pour dépolluer les sols et les eaux, et en silence s’il vous plaît…

    Si cela venait à se passer du côté du Cap Nègre et du fort de Brégançon, il n’est pas sur que Nicolas Sarkozy tienne le même discours, allez savoir pourquoi ?...

    Pourtant, cette art de faire passer des vessies pour des lanternes connaît une certaine limite lorsque le niveau d’exaspération, autrement appelé, seuil du « foutage de gueule » est atteint. Quand va t'on franchir ce fameux seuil, si ce n'est déjà le cas…

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 10 : de l'art de parler suédois en terre celte

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    Le néo-breton a déménagé, mais sa maison est bien vide. L'ameublement est de mise... N’ayant ni la prétention d’être original, et ne disposant pas non plus d’un budget qui lui permettrait d’aménager son intérieur avec les derniers décorateurs à la mode, le néo-breton se voit contraint de choisir entre le bric et le broc d’un chinage en bonne règle ou le confort pas très original d’une chaine de vendeur de meubles. N’ayant jamais réussi une bonne affaire de sa vie dans une brocante, conséquence d’une peur à poser les questions qui fâchent au moment de l’achat de par une empathie mal placée, l’auteur se dirige donc vers la deuxième solution.

    Le nouvel arrivant pensait légitimement apprendre le breton, mais c’est le suédois qui va être la langue qui lui permettra de franchir cette étape particulière de sa nouvelle vie. L’avantage de cette solution est indéniable : le mobilier du géant scandinave est passe-partout, pas trop excessif et le montage ne demande pas d’être équipé comme un bricoleur professionnel. Cela tombe bien, à part un marteau et un jeu de tournevis au rabais, la trousse à outils est tout ce qu’il y a de plus vide. La liste des emplettes dressée au préalable, qui permettra de contenir tout autant ce que les cartons contiennent que ce que l’avenir réserve, on n’est jamais trop prudent, le néo-breton va donc faire un tour dans le grand nord, ou plus précisément dans une de ses nombreuses succursales.

    Si la France est le pays du vin et du fromage, le prêt à monter mobilier, tout autant que le groupe ABBA et plus près de nous le roman policier, constitue le fer de lance du modèle économique de la patrie des Bernadotte. La camionnette louée, le chroniqueur file vers la grande sœur ennemie de Quimper, Brest, dans une découverte en accéléré des différences entre Nord et Sud Finistère, entre Léon et Cornouaille. Pour dire vrai, d’une sortie de ville à l’autre, elles sont minces, les zones commerciales qu’elles soient ici ou ailleurs ont une fâcheuse tendance au mimétisme, pour ne pas dire à un manque d’originalité inesthétique. Le tourisme ne sera pas pour cette fois, bien que la vue plongeante sur la rade de Brest depuis le pont enjambant l’Elorn puisse faire croire à une véritable escapade près du cercle polaire : il y comme un air de petit fjord pour rejoindre la petite Scandinavie.

     Le circuit imposé peut commencer, ce dédale organisé pour laisser à penser que tout est indispensable et de très bon goût mais qui n’a qu’un but, alléger un portefeuille qui n’en a pas besoin. L’agencement est diablement bien pensé. Avant même d’entrer dans le vif du sujet, l’ennemi tente de vous faire baisser la garde par sa gentillesse. Bonjour, Bienvenue, pouvons-nous vous aider ? Prenez donc un stylo, un mètre en papier et un sac. Bonne visite. Sans se détourner de son objectif, sa liste préalablement éditée, le béotien de l’aménagement avance, s’arrêtant ci et là pour confirmer que son choix initial est le bon. Mais c’est un combat de tous les instants, la moiteur, le bel agencement, l’odeur du bois se dégageant des meubles cherchent à perturber la quête entreprise. C’est vrai que ce canapé est chouette, et cette table, comme elle irait bien, et là, cette bibliothèque et ce bureau…

    Mais le petit padawan n’ira pas du côté obscur de la force, il est venu accompagné d’un esprit raisonnable et avouons le, un peu pingre, pour lui donner mauvaise conscience et ainsi le tirer des embuscades dans lesquelles il pourrait tomber à chaque instant. Cinq chariots pleins sont nécessaires pour équiper la maison, la file d’attente à la caisse étant de votre seul fait. Les clients qui se mettent à la queue de vos cartons vous détestent. La vendeuse sent le mauvais coup : les cartons sont nombreux, lourds et vous n’avez pas pensé une seule seconde au passage du code barre. La manipulation des cartons va être longue et fastidieuse, le regard de l’hôtesse de caisse n’y trompe pas : comme les autres clients, elle vous hait. Le dernier article est passé, la douloureuse arrive : des mois d’économies vont changer de propriétaire : de votre compte à une banque suédoise. Autant dire qu’avec ce que vous lâchez, le personnel se met en quatre pour vous aider à charger le camion, qui contient bien six mètres cubes de planches et vis.

    Et c’est ainsi que sur le chemin du retour, entre deux sandwiches au renne, vous tentez le calcul : combien de tours de poignet vont être nécessaires pour monter la totalité de ces meubles sans se faire un tour de rein…