Une vieille légende, tenace, attribuerait au climat breton une pluviométrie nettement au dessus de la moyenne. Mieux, une blague potache raconte que le sigle BZH signifierait Bienvenue en Zone Humide.
L’auteur s’insurge : il est trop facile de répandre de telles allégations partiellement infondées sur la seule foi qu’il se vend plus de parapluies et de cirés que partout ailleurs.
L’explication est plus complexe : le breton est prévoyant et il sait qu’il habite une région tropicale. La mousson existe, et l’humidité ambiante peut conduire à la faire passer pour de la pluie. Le breton cultive allègrement cette réputation de pays mouillé, elle lui permet qu’on lui foute relativement la paix, évitant par ce moyen la défiguration de du littoral à la mode station balnéaire méditerranéenne.
Si le néo-breton veut bien admettre l’existence de précipitations un poil plus conséquentes que dans le bush australien, il se doit de préciser qu’il a déjà connu, en dépit de sa très relative expérience en cette terre, des épisodes ininterrompues de soleil à faire pâlir de jalousie un irlandais ou un écossais.
D’un point de vue fonctionnel, cette humidité réelle, ou supposée, emporte quelques avantages indéniables. Les corvées d’arrosage du jardin, de nettoyage des allées ou encore de la voiture ont une fréquence quasi inexistante. La poussière ne vole pas à tous les vents en vous piquant méchamment les yeux. Les épisodes de sécheresse sont moins violents qu’ailleurs, la canicule est bien plus supportable. Last but not least, un dimanche après-midi pluvieux, c’est l’occasion de pouvoir se mettre au chaud, une crêpière et un bol de chocolat chaud à portée de main.
Côté négatif, car il faut bien en trouver, l’herbe pousse plus vite qu’ailleurs et demande à être tondu plus souvent, les vitres sont sales à la minute même où elles ont été lavées, le linge met une éternité à sécher, le courrier est mouillé trop régulièrement, les baskets et les chaussures pourrissent assez vite (d’où l’imagerie populaire de la botte), vous ne pouvez rien laisser sur le balcon sous peine de le flinguer, vous êtes presque obligés de déposer un parapluie chez vous, au bureau, dans la voiture…, vous passez la journée au bureau en sentant le chien mouillé, le barbecue est rare -et risqué-, la lutte contre l’humidité intérieure de la maison est un combat perpétuel qui ne connaît de ralentissement quelques semaines par an à peine, rien ne pousse dans le jardin potager à moins d’être équipé d’une serre, vos plants pourrissant sur pied par trop plein d’eau, la motivation à se rendre au boulot tous les jours en vélo est gravement entamée par les épisodes plus ou moins long de dépression atmosphérique qui rendent l’exercice aquatiquement déplaisant, les enfants salopent le parquet de leurs bottes boueuses plus souvent qu’à leur tour…
La mauvaise foi assumée du néo-breton vous dira que ces quelques 1 200 millimètres de précipitation annuelle se remarquent à peine. Et sont le prix à payer pour apprécier une végétation luxuriante, une nature généreuse et éclatante au printemps, dans une explosion de couleurs, d’espèces et d’odeurs dont la rencontre avec la mer permet ces paysages que le touriste et l’autochtone ne se lassent pas d’arpenter encore et encore…
Mais il y a une réalité que le chroniqueur a découvert : quand vient l’été, le breton part en vacances…au soleil, et croisera sur sa route le sudiste venant prendre le frais le long des sentiers des douaniers… Nul n’est prophète en son pays…