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chronique d'un néo-breton - Page 6

  • Chronique d'un néo-breton : épisode 14 : de la pluie en Bretagne...

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    Une vieille légende, tenace, attribuerait au climat breton une pluviométrie nettement au dessus de la moyenne. Mieux, une blague potache raconte que le sigle BZH signifierait Bienvenue en Zone Humide.


    L’auteur s’insurge : il est trop facile de répandre de telles allégations partiellement infondées sur la seule foi qu’il se vend plus de parapluies et de cirés que partout ailleurs.

    L’explication est plus complexe : le breton est prévoyant et il sait qu’il habite une région tropicale. La mousson existe, et l’humidité ambiante peut conduire à la faire passer pour de la pluie. Le breton cultive allègrement cette réputation de pays mouillé, elle lui permet qu’on lui foute relativement la paix, évitant par ce moyen la défiguration de du littoral à la mode station balnéaire méditerranéenne.

    Si le néo-breton veut bien admettre l’existence de précipitations un poil plus conséquentes que dans le bush australien, il se doit de préciser qu’il a déjà connu, en dépit de sa très relative expérience en cette terre, des épisodes ininterrompues de soleil à faire pâlir de jalousie un irlandais ou un écossais.


    D’un point de vue fonctionnel, cette humidité réelle, ou supposée, emporte quelques avantages indéniables. Les corvées d’arrosage du jardin, de nettoyage des allées ou encore de la voiture ont une fréquence quasi inexistante. La poussière ne vole pas à tous les vents en vous piquant méchamment les yeux. Les épisodes de sécheresse sont moins violents qu’ailleurs, la canicule est bien plus supportable. Last but not least, un dimanche après-midi pluvieux, c’est l’occasion de pouvoir se mettre au chaud, une crêpière et un bol de chocolat chaud à portée de main.


    Côté négatif, car il faut bien en trouver, l’herbe pousse plus vite qu’ailleurs et demande à être tondu plus souvent, les vitres sont sales à la minute même où elles ont été lavées, le linge met une éternité à sécher, le courrier est mouillé trop régulièrement, les baskets et les chaussures pourrissent assez vite (d’où l’imagerie populaire de la botte), vous ne pouvez rien laisser sur le balcon sous peine de le flinguer, vous êtes presque obligés de déposer un parapluie chez vous, au bureau, dans la voiture…, vous passez la journée au bureau en sentant le chien mouillé, le barbecue est rare -et risqué-, la lutte contre l’humidité intérieure de la maison est un combat perpétuel qui ne connaît de ralentissement quelques semaines par an à peine, rien ne pousse dans le jardin potager à moins d’être équipé d’une serre, vos plants pourrissant sur pied par trop plein d’eau, la motivation à se rendre au boulot tous les jours en vélo est gravement entamée par les épisodes plus ou moins long de dépression atmosphérique qui rendent l’exercice aquatiquement déplaisant, les enfants salopent le parquet de leurs bottes boueuses plus souvent qu’à leur tour…


    La mauvaise foi assumée du néo-breton vous dira que ces quelques 1 200 millimètres de précipitation annuelle se remarquent à peine. Et sont le prix à payer pour apprécier une végétation luxuriante, une nature généreuse et éclatante au printemps, dans une explosion de couleurs, d’espèces et d’odeurs dont la rencontre avec la mer permet ces paysages que le touriste et l’autochtone ne se lassent pas d’arpenter encore et encore…

    Mais il y a une réalité que le chroniqueur a découvert : quand vient l’été, le breton part en vacances…au soleil, et croisera sur sa route le sudiste venant prendre le frais le long des sentiers des douaniers… Nul n’est prophète en son pays…

     

     

     

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 13 : du pluralisme de la presse en terre bretonne...

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    Le néo-breton veut s’intégrer, comme il se doit, dans sa nouvelle terre d’adoption. Et ce chemin passe par l’information. Comprendre et être au courant sont les deux mamelles indispensables pour tenter de se fondre dans le costume de l’autochtone. Ce qui va faire plonger le chroniqueur dans la découverte ou plus précisément la redécouverte de ce trésor de la province, la presse quotidienne régionale, la PQR pour les intimes. Souvent moquée, à tort ou à raison par le parisien et le lecteur de la presse nationale, cette PQR constitue pourtant le point névralgique de la société locale. A la décharge des pourfendeurs de la presse de proximité, le premier contact avec un tel canard ne manque pas de déconcerter le lecteur.

     

    La première page présente un mélange improbable entre "une" sur la dernière catastrophe nationale ou mondiale, annonce d’un reportage sur la foire aux bestiaux du jour et publicité vantant les promos exceptionnelles de l’hyper du coin. La plongée dans les pages intérieures peut donner le tournis : de l’international, vous glissez à pas forcés dans le très très local en vous arrêtant successivement sur les pages France, Région, Département, Sous-Préfecture, Arrondissements, Cantons, Communes et pour finir sur l’actualité croustillante du bourg. Sans oublier les annonces nécrologiques, sur lesquelles se jettent allégrement certains pour ne pas louper l’enterrement du jour.

     

    De la crise économique au compte-rendu de la dernière assemblée générale du club des brodeuses, le panorama de l’information ne saurait être plus complet. L’œil snob y verra un monument kitsch, de méchantes langues diront que le plouc prend ses quartiers dans ces pages mais le regard attentif, et bienveillant, apercevra, pour sa part, un échange social permanent. Du menu des enfants à la cantine à l’annonce de la petite brocante du club de bridge, le lien social se construit derrière toutes ces lignes. Le romancier trouvera lui la matière première d’histoires invraisemblables : les comptes-rendus d’audience des tribunaux du coin constituent une mine d’or qui fait dire que la réalité dépasse presque toujours la fiction. Tous les moindres petits faits se trouvent consignés et diffusés dans ces chroniques quotidiennes que constituent les pages locales. Les groupes d’influence, les partis politiques, tout le monde sait comment utiliser au mieux cette tribune si efficace.

     

    Spécificité bretonne, la page économique comporte le cours des marchés agricoles (du coco de Paimpol au prix du veau en passant par le cours du porc) et le retour au port, et donc à la criée, des marins-pêcheurs. Autre particularité de la presse atlantique, les horaires et coefficients de marée, que l’on apprend rapidement à consulter.

     

    Devant cette richesse journalistique, le néo-breton va se trouver face à un choix cornélien : il n’y a pas un titre de PQR dans sa ville, mais bien deux : Ouest-France ou le Télégramme. La compétition va être rude pour départager les deux canards, dont l’auteur n’a pas saisi les subtilités dans une version informative du jeu des sept erreurs, de prime abord s’entend. Mais la lecture attentive des articles, et plus surement des éditoriaux, donne quelques clés de compréhension. Et en Bretagne, terre des pardons, la religion est une ligne de fracture qui se ressent autant que d’autres plus modernes. Ainsi Ouest-France penche du côté du goupillon alors que le Télégramme porte une tradition laïcarde héritée d’un radicalisme à la mode chouchen. Ouest-France tirerait à tribord et le Télégramme à bâbord. C’est plus ou moins vrai, mais les lignes sont parfois troubles : le fond démocrate-chrétien de l’un peut l’amener à prendre des positions fortes pour les droits de la personne humaine alors que le côté populaire de l’autre peut le faire glisser dans le sensationnalisme, à la frontière du populisme.

     

    Mais une chose est réelle, les deux titres se livrent une guerre des rédactions pour être le premier et le meilleur sur l’actualité locale et à ce titre, le grand gagnant est le lecteur : rien n’échappe à l’œil des journalistes, qui sont largement sollicités par qui veut faire du buzz.

     

    Mais me direz-vous, comment choisir : c’est simple, lisez les deux, arrangez vous avec un voisin, chacun s’abonne à un titre et le tour est joué. Vous pouvez également opter pour le café au comptoir, vous aurez les deux pour le prix d’un.

    Et là, c’est sur, impossible de rater le prochain championnat du monde du cracher de bigorneau. Ce qui serait vraiment moche… 

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 12 : je ne suis pas un numéro, enfin presque…

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    Le néo-breton s’est installé, mais l’aventure ne fait que commencer…

     

    Penser qu’un emménagement se termine dans la minute même où le dernier carton est vidé relève d’une naïveté dans laquelle s’était plongé consciemment et avec une certaine lâcheté le néo-breton, pour ne pas se faire peur trop vite.

    Mais rapidement une forme de réalité le rattrape : celle des choses administratives. Elles sont si nombreuses que le chroniqueur a légitimement pensé que la Bretagne était devenue indépendante : toute une vie bureaucratique à reconstruire, signe incontestable d’une expatriation. De la maison à la voiture, des impôts à la sécurité sociale, de la banque aux fournisseurs divers et variés, ce sont des dizaines de courriels, courriers, standards téléphoniques qui sont venus agrémentés un quotidien qui ne demandait pas tant d’égards. A l’heure de la dématérialisation, qui nous vend du rêve et de la facilité, il y a là une forme de paradoxe qui fait sourire, du moins dans un premiers temps puis énerve passablement à mesure que les démarches se multiplient.


    Pourtant, le chroniqueur s’est senti rassuré : Big Brother n’a pas encore pris totalement le contrôle de la société. Les fichiers ne sont pas croisés, certains se perdent…et des courriers continuent à arriver à l’ancienne adresse en dépit des nombreuses interventions pour donner la nouvelle localisation.


    Ce temps bureaucratique où vous n’êtes plus parisiens mais où vous n’êtes pas encore administrativement breton, vous entrez dans la quatrième dimension, une sorte de no man’s land constitué de limbes dans lesquelles vous n’existez pas totalement, seule la sacro-sainte facture de téléphone ou d’électricité, en lambeaux à force d’être constamment demandée, et à la condition d’en détenir au moins une qui ne soit pas périmée, vous permettra d’attester que vous êtes installés ici désormais et pas ailleurs.


     
    Heureusement, le breton en général, et le finistérien en particulier, est plutôt avenant, sympathique même et cherchera à ne pas ajouter sa touche à l’enfer que vous vivez. Il sera empathique, indiquant qu’il comprend et compatit.

    Mais ce n’est pas pour autant qu’il transigera. Si vous n’avez pas le fameux justificatif de domicile et le formulaire N°XXXX dument complété, pas la peine d’insister, le règlement c’est le règlement. Et attention, il est inutile de revenir à la charge, le breton est comme tout un chacun, et paraît il, un peu plus que les autres : il serait têtu.


    Remarquez qu’un déménagement, c’est aussi l’occasion de faire table rase et de remettre quelques compteurs à zéro : votre banque qui s’est sortie de la crise financière en vous ponctionnant allégrement sur les frais de gestion de votre compte, votre fournisseur d’accès à internet dont le prix est inversement proportionnel à la qualité du service, votre assurance auto qui n’a jamais répercuté les baisses qu’ont connues les primes… la loi permet de résilier sans pénalités presque tous ces contrats. La condition : avoir du temps pour faire une étude comparative et faire la queue à la poste pour envoyer une flopée de recommandé. La plage ou les économies, la terrasse de café ou l’amélioration des conditions de son assurance… Choix cornélien… C’est pour cela que le chroniqueur a souhaité déléguer cette tache : sa compagne est bien meilleure pour ces choses là, alors que lui n’a pas son pareil pour lézarder sur le sable ou en terrasse : ce n’est pas de l’oisiveté, à ce niveau c’est une conscience artistique et professionnelle aigue.


    Après ce parcours du combattant par délégation, enfin reconnu comme habitant du 29, sa plaque d’immatriculation l’attestant, le néo-breton va pouvoir, enfin, se glisser dans la vie des autochtones…enfin, peut être…

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 11 : la mer, qu'on voit danser...

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    Le néo-breton a fait un tour chez un géant suédois pour meubler sa maison. Mais il n'a pas le coeur à l'ouvrage...

    La pointe du raz, la baie d’Audierne ou encore celle de Douarnenez, à quelques encablures, les festivals de musiques qui s’enchainent pas très loin non plus, un soleil à faire pâlir Marbella, le néo-breton aurait de quoi profiter de ses premières semaines sans s’ennuyer une seule seconde. Mais…mais quelques mètres cubes d’un meccano suédois l’attendent, accompagnés de quelques surprises plus ou moins désagréables, qui soit disant font le sel de la vie, manière de se rassurer et d’oublier qu’on serait bien mieux ailleurs qu’à gérer ces embrouilles.

    Pour se motiver avant d’attaquer le chantier, le chroniqueur se décide malgré tout à faire un tour du côté de l’océan, humer quelques embruns, mettre un orteil dans l’eau mais pas plus (pas par manque de temps mais 16° est une température à laquelle il va avoir toutes les peines du monde à s’habituer). Il a fait le trajet en un quart d’heure, a trouvé une place rapidement et se retrouve sur une plage clairsemée, avec vue sur voiliers et rochers pénétrant l’océan. Le bonheur n’est pas dans le pré mais bien dans cette petite crique. Certes, ce ne sera pas farniente à la sauce méditerranéenne, l’Atlantique et la Bretagne ont ce climat océanique qui ne donne pas des hivers rigoureux mais contrepartie à payer, la température reste fraiche, même au plus fort de l’été. Le naturisme n’y est d’ailleurs pas aussi développé qu’ailleurs, non par une pudibonderie qu’une culture catholique passée aurait imposée mais bien par la nécessité de se couvrir décemment pour ne pas tomber malade.

    Devant l’océan, le néo-breton savoure cet instant, le calme et la quiétude avant les nombreuses autres étapes qu’impliquent son emménagement et sa nouvelle vie.

    Les orteils touchés par les vagues, le champ des possibles lui saute à la figure : se remettre à la voile, enfin s’y mettre parce qu’une semaine de stage d’optimiste en CE2 ne fait pas du chroniqueur un loup de mer ; le surf, depuis « Point Break », ça le titille, même si son sens de l’équilibre est précaire et que le goût du danger n’est pas dans sa nature ; et puis, soyons fou, pourquoi ne pas rêver de venir courir toutes les semaines le long du sentier des douaniers. Le chroniqueur rêve éveillé… mais ce charmant tableau s’écroule lorsque son aîné lui demande de rentrer à la maison séance tenante, pour cause de Bob l’éponge contre les araignées de mer. Tabarly et Keanu Reeves s’envolent, le chargé de famille proteste mais la magie n’est plus là, il décide de ramener sa troupe en voyant s’éloigner à regret dans le rétroviseur le fruit de son imagination.Ne reste plus qu’à monter le mobilier stocké dans chacune des pièces pendant que ses enfants s’abrutissent devant une éponge qui parle. Ita Missa Est, il s’inscrira au Winch Club plus tard, dans un an, peut être, enfin, il verra.

    En attendant des jours meilleurs, Fest-noz et Fest-Deiz tout le weekend : concert de vis, marteau et jurons, entrecoupé de pauses arrosées à la bière Bretonne. Ça tombe bien, les brasseurs sont nombreux et le breuvage aussi varié qu’excellent. De la Tri Martolod à la Coreff en passant par la Mor Braz, le néo-breton pourra découvrir un terroir singulier. Et s’il veut rester sobre, il y aura toujours les deux colas bretons, Breizh et Britt. En matière d’apéro, la Bretagne pourrait affronter l’indépendance sans avoir peur d’un embargo : elle autoproduit !

    Mais croire que monter quelques meubles suffit à être installé, c’est faire preuve d’une naïveté certaine. Le temps des changements d’adresse arrive, et avec lui son lot de surprises et d’arrachage de cheveux que la multiplicité des administrations et entreprises à contacter va exacerber… Le néo-breton va découvrir, en pétard, que si la République est une et indivisible, ses dossiers administratifs sont départementaux et qu’à l’heure de la dématérialisation, il n’a jamais eu autant de papier et de courrier à envoyer…

     

  • Chronique d'un néo-breton, épisode 10 : de l'art de parler suédois en terre celte

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    Le néo-breton a déménagé, mais sa maison est bien vide. L'ameublement est de mise... N’ayant ni la prétention d’être original, et ne disposant pas non plus d’un budget qui lui permettrait d’aménager son intérieur avec les derniers décorateurs à la mode, le néo-breton se voit contraint de choisir entre le bric et le broc d’un chinage en bonne règle ou le confort pas très original d’une chaine de vendeur de meubles. N’ayant jamais réussi une bonne affaire de sa vie dans une brocante, conséquence d’une peur à poser les questions qui fâchent au moment de l’achat de par une empathie mal placée, l’auteur se dirige donc vers la deuxième solution.

    Le nouvel arrivant pensait légitimement apprendre le breton, mais c’est le suédois qui va être la langue qui lui permettra de franchir cette étape particulière de sa nouvelle vie. L’avantage de cette solution est indéniable : le mobilier du géant scandinave est passe-partout, pas trop excessif et le montage ne demande pas d’être équipé comme un bricoleur professionnel. Cela tombe bien, à part un marteau et un jeu de tournevis au rabais, la trousse à outils est tout ce qu’il y a de plus vide. La liste des emplettes dressée au préalable, qui permettra de contenir tout autant ce que les cartons contiennent que ce que l’avenir réserve, on n’est jamais trop prudent, le néo-breton va donc faire un tour dans le grand nord, ou plus précisément dans une de ses nombreuses succursales.

    Si la France est le pays du vin et du fromage, le prêt à monter mobilier, tout autant que le groupe ABBA et plus près de nous le roman policier, constitue le fer de lance du modèle économique de la patrie des Bernadotte. La camionnette louée, le chroniqueur file vers la grande sœur ennemie de Quimper, Brest, dans une découverte en accéléré des différences entre Nord et Sud Finistère, entre Léon et Cornouaille. Pour dire vrai, d’une sortie de ville à l’autre, elles sont minces, les zones commerciales qu’elles soient ici ou ailleurs ont une fâcheuse tendance au mimétisme, pour ne pas dire à un manque d’originalité inesthétique. Le tourisme ne sera pas pour cette fois, bien que la vue plongeante sur la rade de Brest depuis le pont enjambant l’Elorn puisse faire croire à une véritable escapade près du cercle polaire : il y comme un air de petit fjord pour rejoindre la petite Scandinavie.

     Le circuit imposé peut commencer, ce dédale organisé pour laisser à penser que tout est indispensable et de très bon goût mais qui n’a qu’un but, alléger un portefeuille qui n’en a pas besoin. L’agencement est diablement bien pensé. Avant même d’entrer dans le vif du sujet, l’ennemi tente de vous faire baisser la garde par sa gentillesse. Bonjour, Bienvenue, pouvons-nous vous aider ? Prenez donc un stylo, un mètre en papier et un sac. Bonne visite. Sans se détourner de son objectif, sa liste préalablement éditée, le béotien de l’aménagement avance, s’arrêtant ci et là pour confirmer que son choix initial est le bon. Mais c’est un combat de tous les instants, la moiteur, le bel agencement, l’odeur du bois se dégageant des meubles cherchent à perturber la quête entreprise. C’est vrai que ce canapé est chouette, et cette table, comme elle irait bien, et là, cette bibliothèque et ce bureau…

    Mais le petit padawan n’ira pas du côté obscur de la force, il est venu accompagné d’un esprit raisonnable et avouons le, un peu pingre, pour lui donner mauvaise conscience et ainsi le tirer des embuscades dans lesquelles il pourrait tomber à chaque instant. Cinq chariots pleins sont nécessaires pour équiper la maison, la file d’attente à la caisse étant de votre seul fait. Les clients qui se mettent à la queue de vos cartons vous détestent. La vendeuse sent le mauvais coup : les cartons sont nombreux, lourds et vous n’avez pas pensé une seule seconde au passage du code barre. La manipulation des cartons va être longue et fastidieuse, le regard de l’hôtesse de caisse n’y trompe pas : comme les autres clients, elle vous hait. Le dernier article est passé, la douloureuse arrive : des mois d’économies vont changer de propriétaire : de votre compte à une banque suédoise. Autant dire qu’avec ce que vous lâchez, le personnel se met en quatre pour vous aider à charger le camion, qui contient bien six mètres cubes de planches et vis.

    Et c’est ainsi que sur le chemin du retour, entre deux sandwiches au renne, vous tentez le calcul : combien de tours de poignet vont être nécessaires pour monter la totalité de ces meubles sans se faire un tour de rein…