En théorie, nous choisissons nos représentants sur le projet et les idées qu’ils présentent et qu’ils, toujours en théorie, promettent de mettre en œuvre une fois élus. En théorie, le champ de bataille électoral devrait être constitué d’un débat d’idées, où chacun des candidats pourrait, à égalité de traitement, sans interférence immédiate, présenter ses idées, répondre à des questions sans que ces questions ne soient des interruptions journalistiques s’apparentant à une prise de position non assumée derrière le paravent de l’appartenance à une noble profession qu’une poignée d’émail diamant du PAF est en train de mettre en pièce. Sur ce dernier point, il n’y a pas forcément volonté de rouler pour l’un ou l’autre mais il y a une croyance tenace d’être dans le vrai depuis son piédestal cathodique et quand les journalistes se veulent être censeurs et directeurs de conscience, ils empruntent le chemin sulfureux de l’emprise religieuse sur les masses, enivrés de la toute-puissance de ceux qui se rêvent faiseurs de rois. Et le risque de n’être pris que pour un vulgaire curé sur sa chaire, dont on moque l’office après que la messe est dite.
société - Page 7
-
De l'art d'empapaouter les foules...
-
Rêverie du dimanche
Allongé sur le flanc d’une colline, un brin d’herbe entre les dents, un représentant quelconque de l’espèce humaine contemple quelque nuage fantasque. Tout à sa rêverie, il se dit qu’il en faut peu pour être heureux et cela le fait sourire de siffloter le refrain préféré de Baloo. Depuis toujours, elle lui donne la pêche cette chanson, et c’est c’autant plus vrai en cet instant de procrastination voluptueuse. Notre flâneur et rêveur se demande alors ce qu’il faut, justement, pour l’être, heureux, et il dresse une petite liste : un petit chez soi, un petit lopin de terre, pour manger sain et prendre le temps de voir pousser sa vie , un peu de travail pour assurer le financement des menues dépenses du quotidien et des quelques impôts et cotisations nécessaires pour socialiser certains revenus au cours de la vie, mais un travail qui ne soit pas aliénant, se répète t’il deux fois, et un travail utile pour la société insiste t’il encore, des amis, avec qui partager des grands et des petits moments, une bonne fête de temps en temps, des loisirs et des belles tranches de rigolade. Un tel inventaire, ça semble beaucoup, mais dans l’absolu, en fait, moins qu’on ne le croit et surtout que la société ne l’exige.
-
Irréprochable(s)
Irréprochable. Qui ne mérite aucun reproche, qui n’offre rien à reprendre. Qualité qui est censé s’attacher à toute personne aspirant ou détenant un pouvoir, plus particulièrement quand ce pouvoir est attaché à une fonction publique qui par définition, dans un régime démocratique, est une délégation qui provient des autres congénères[i]. Irréprochable, car pour prendre un exemple dans la culture contemporaine, de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités, comme le dit si justement Peter Parker, alias Spiderman.
C’est la confiance dans l’institution qui est au cœur de cette nécessaire irréprochabilité. Que ce soit un élu, un agent de police ou tout autre représentant public, plus que pour d’autres, le respect des règles, l’intériorisation d’une certaine éthique et une valeur d’exemple à cultiver sont aux nombres des qualités et attitudes attendues. Une écrasante majorité le fait, avec un sens réel de la chose et du service publics, et ce, dans des contextes souvent difficiles d’une société où la violence, le rejet de l’autre, quand ce n’est pas sa négation, s’insinuent plus ou moins ouvertement désormais. Mais si les personnes ayant fonction de repères de la société, ceux censés représenter et protéger les autres, faire la loi, ou encore l’appliquer, se mettent eux-mêmes dans des situations qui méritent le reproche, la crédibilité des institutions fond comme neige au soleil et entretient dans un cercle vicieux l’incompréhension mutuelle et le rejet réciproque.
-
Méritocratie de l'héritage
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit et en dignité, cette proclamation a été une belle étape de l’histoire de l’humanité mais pas suffisante, parce que si les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit et en dignité, c’est dans la limite de ce qui les accompagnera comme cadeau dans le berceau. Répétons-le, on ne le fait jamais assez, dès la conception, les dés sont pipés. Le milieu dans lequel nous sommes conçus peut déjà influencer sur notre développement futur et les choses ne vont pas en s’arrangeant, quand, penchées au-dessus du berceau, les bonnes (ou mauvaises, c’est selon) fées du hasard distribuent atouts ou handicaps. Certains naissent avec des as, des rois et des reines dans leur jeu, d’autres n’auront qu’un deux ou un trois, et qu’ils soient de trèfle ou de pique, et avec tout le cœur du monde, ne les empêchera pas de rester sur le carreau.
La méritocratie, qui sur le papier, est une modalité d’attribution des fonctions et des places dans la société basée sur le seul mérite et qui semble permettre une forme d’égalité des chances, n’est qu’un voile pudique pour faire oublier certaines réalités, c’est que si nous sommes égaux en droit, nous ne sommes pas égaux en chance, en fortune, au sens étymologique du terme. Le mérite n’existe que si la compétition et juste et équitable. Malheureusement, la vie est un marathon au sein duquel certains partent du 40ème kilomètre et deux heures avant les autres, tandis que d’autres doivent faire deux fois le parcours et à cloche pied. Dans ces conditions-là, les surprises sont rares et le vainqueur est connu d’avance.
-
Et une contradiction, une!
Un être humain est composé de plus ou moins 70 % d’eau. Pour faire fonctionner son organisme, plus ou moins 2000 calories par jour lui sont nécessaires. En revanche et malgré les publicités incessantes, il s’avère que l’acquisition et la détention d’un smartphone n’ont pas d’incidence directe ou indirecte sur son processus vitale. En fait, c’est d’un tout autre carburant, moins directement énergétique mais plus ou moins indispensable, que l’humanité se gargarise, la contradiction. Lecteur vous lisez correctement, homo sapiens sapiens carbure à la contradiction qui consiste notamment dans l’action de contredire, se contredire ou encore de se mettre en opposition avec ce que l’on dit ou fait. Loin d’être totalement handicapante, la contradiction permet tout au contraire de vivre sans être totalement raccord entre sa pensée et ses actions. De faire que nos idéaux s’accommodent de la réalité et de nos petits défauts, de nos petits arrangements honteux. Parce que notre intérêt individuel ne s’accorde pas toujours avec l’intérêt collectif, parce que notre intérêt immédiat n’est pas toujours facile à dépasser par rapport à notre intérêt futur, la contradiction est présente, elle est ce que nous sommes. La contradiction permet même d’avancer, quand elle est dépassée : la dialectique n’est-elle pas le moteur du monde selon certaines conceptions philosophiques.