Allongé sur le flanc d’une colline, un brin d’herbe entre les dents, un représentant quelconque de l’espèce humaine contemple quelque nuage fantasque. Tout à sa rêverie, il se dit qu’il en faut peu pour être heureux et cela le fait sourire de siffloter le refrain préféré de Baloo. Depuis toujours, elle lui donne la pêche cette chanson, et c’est c’autant plus vrai en cet instant de procrastination voluptueuse. Notre flâneur et rêveur se demande alors ce qu’il faut, justement, pour l’être, heureux, et il dresse une petite liste : un petit chez soi, un petit lopin de terre, pour manger sain et prendre le temps de voir pousser sa vie , un peu de travail pour assurer le financement des menues dépenses du quotidien et des quelques impôts et cotisations nécessaires pour socialiser certains revenus au cours de la vie, mais un travail qui ne soit pas aliénant, se répète t’il deux fois, et un travail utile pour la société insiste t’il encore, des amis, avec qui partager des grands et des petits moments, une bonne fête de temps en temps, des loisirs et des belles tranches de rigolade. Un tel inventaire, ça semble beaucoup, mais dans l’absolu, en fait, moins qu’on ne le croit et surtout que la société ne l’exige.
Defense de rire - Page 8
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Rêverie du dimanche
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Irréprochable(s)
Irréprochable. Qui ne mérite aucun reproche, qui n’offre rien à reprendre. Qualité qui est censé s’attacher à toute personne aspirant ou détenant un pouvoir, plus particulièrement quand ce pouvoir est attaché à une fonction publique qui par définition, dans un régime démocratique, est une délégation qui provient des autres congénères[i]. Irréprochable, car pour prendre un exemple dans la culture contemporaine, de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités, comme le dit si justement Peter Parker, alias Spiderman.
C’est la confiance dans l’institution qui est au cœur de cette nécessaire irréprochabilité. Que ce soit un élu, un agent de police ou tout autre représentant public, plus que pour d’autres, le respect des règles, l’intériorisation d’une certaine éthique et une valeur d’exemple à cultiver sont aux nombres des qualités et attitudes attendues. Une écrasante majorité le fait, avec un sens réel de la chose et du service publics, et ce, dans des contextes souvent difficiles d’une société où la violence, le rejet de l’autre, quand ce n’est pas sa négation, s’insinuent plus ou moins ouvertement désormais. Mais si les personnes ayant fonction de repères de la société, ceux censés représenter et protéger les autres, faire la loi, ou encore l’appliquer, se mettent eux-mêmes dans des situations qui méritent le reproche, la crédibilité des institutions fond comme neige au soleil et entretient dans un cercle vicieux l’incompréhension mutuelle et le rejet réciproque.
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Méritocratie de l'héritage
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit et en dignité, cette proclamation a été une belle étape de l’histoire de l’humanité mais pas suffisante, parce que si les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit et en dignité, c’est dans la limite de ce qui les accompagnera comme cadeau dans le berceau. Répétons-le, on ne le fait jamais assez, dès la conception, les dés sont pipés. Le milieu dans lequel nous sommes conçus peut déjà influencer sur notre développement futur et les choses ne vont pas en s’arrangeant, quand, penchées au-dessus du berceau, les bonnes (ou mauvaises, c’est selon) fées du hasard distribuent atouts ou handicaps. Certains naissent avec des as, des rois et des reines dans leur jeu, d’autres n’auront qu’un deux ou un trois, et qu’ils soient de trèfle ou de pique, et avec tout le cœur du monde, ne les empêchera pas de rester sur le carreau.
La méritocratie, qui sur le papier, est une modalité d’attribution des fonctions et des places dans la société basée sur le seul mérite et qui semble permettre une forme d’égalité des chances, n’est qu’un voile pudique pour faire oublier certaines réalités, c’est que si nous sommes égaux en droit, nous ne sommes pas égaux en chance, en fortune, au sens étymologique du terme. Le mérite n’existe que si la compétition et juste et équitable. Malheureusement, la vie est un marathon au sein duquel certains partent du 40ème kilomètre et deux heures avant les autres, tandis que d’autres doivent faire deux fois le parcours et à cloche pied. Dans ces conditions-là, les surprises sont rares et le vainqueur est connu d’avance.
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Et une contradiction, une!
Un être humain est composé de plus ou moins 70 % d’eau. Pour faire fonctionner son organisme, plus ou moins 2000 calories par jour lui sont nécessaires. En revanche et malgré les publicités incessantes, il s’avère que l’acquisition et la détention d’un smartphone n’ont pas d’incidence directe ou indirecte sur son processus vitale. En fait, c’est d’un tout autre carburant, moins directement énergétique mais plus ou moins indispensable, que l’humanité se gargarise, la contradiction. Lecteur vous lisez correctement, homo sapiens sapiens carbure à la contradiction qui consiste notamment dans l’action de contredire, se contredire ou encore de se mettre en opposition avec ce que l’on dit ou fait. Loin d’être totalement handicapante, la contradiction permet tout au contraire de vivre sans être totalement raccord entre sa pensée et ses actions. De faire que nos idéaux s’accommodent de la réalité et de nos petits défauts, de nos petits arrangements honteux. Parce que notre intérêt individuel ne s’accorde pas toujours avec l’intérêt collectif, parce que notre intérêt immédiat n’est pas toujours facile à dépasser par rapport à notre intérêt futur, la contradiction est présente, elle est ce que nous sommes. La contradiction permet même d’avancer, quand elle est dépassée : la dialectique n’est-elle pas le moteur du monde selon certaines conceptions philosophiques.
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Hillary trompe (Leçons américaines)
La montée inexorable de forces conservatrices, pour certaines populistes, sans parler du renouveau du fait religieux, produit un monde bien sombre, comme si l’humanité, pour répondre aux crises actuelles n’avait comme chemin qu’une forme de retour en arrière, syncrétisme de l’irrationnel et du bouc émissaire, incapables de réagir ou pire, en réagissant au travers d’une thérapie de la terre brûlée. Certains y voient une irrationalité et une profonde stupidité des masses mais une telle analyse n’est-elle pas aussi imbécile que la description sans nuances qu’elle fait de ceux qui cèdent aux sirènes du populisme fascisant ?
Trump est devenu le 45ème président élu des Etats-Unis, scénario que même Hollywood n’a jamais anticipé en dehors de film ou dessin animé à caractère humoristique : où comment un humanoïde à peau orange, mis en faillite pas moins de six fois, mais ayant réussi à s’en sortir par ses relations, ses obligés et un énorme bagout, pouvait devenir le chef de l’État de la première puissance mondiale. Ne nous y trompons pas, Donald Trump est dangereux, le vice-président élu est un conservateur de la pire espèce et l’administration qui se va se mettre en place va plonger un peu plus les Etats-Unis et le monde entier dans la crise. Avec une explication rapidement avancée à ce désastre : les électeurs se sont trompés. Argument répété en boucle ces dernières années quand les pronostics souhaités ne se réalisent pas. La réalité n’étant pas conforme à ce qui été annoncée, elle ne peut qu’être fausse, CQFD, le métier d’analyste politique est devenu aussi scientifique qu’une voyante dans une fête foraine de quartier.